Bogdan-Alexandru Sava, sec. 4, Collège Jean-Eudes

La plainte d’un torturé

Non, en définitive : je ne suis plus humain. Je ne sortirai d’ici que mort ; seul mon corps sera vivant, mais ce ne sera qu’un corps, car je ne serai plus humain.

Enfermé, confiné, isolé. Mes pieds ne peuvent plus faire les cent pas.

Le sol est froid, glaçant. Le regard du mur est perçant.

Chaque jour est une sentence à mort. Chaque jour blesse, meurtrit. Chaque jour se fait plus lourd, plus meurtrier.

Les heures me fouettent à coups de « pourquoi ». Cette question, un lourd fardeau que je porte diligemment, me torture et me tord l’esprit. Mon dos se courbe sous son poids.

Mais j’en suis venu à une conclusion.

Il n’y a pas de raison. Il n’y a jamais de raison. Lorsqu’on demande « pourquoi », les murs répondent « parce que ».

Parce qu’ils n’avaient pas le choix. Parce qu’il le faut. Parce que c’est leur devoir. Parce que les murs d’en haut l’exigent. Parce qu’ils doivent obéir. Parce qu’ils seront punis s’ils désobéissent. Parce que si ce n’est pas moi, ce sera eux.

Parfois, je songe aux oiseaux qui volent dehors et dont les chants ne sont plus pour moi qu’un amer souvenir. Je songe aux jours d’avant, lorsque je volais comme eux, plus ou moins libre. Libre de mes choix, de mes actes, de mes pensées.

Mais je songe aussi à leurs paroles et à leurs propos, plus ou moins semblables à ceux que je tenais lorsque j’étais libre. Bien sûr, mon discours a changé, mais je prendrai quand même le temps et le soin d’y répondre.

Certains affirment que la torture est parfois justifiable. À ceux-là, je demande : où peut-on tracer la ligne ? Où s’arrête ce « parfois » ? Qui peut décider ? Qui peut juger ? Quel humain, pur et incorruptible dans son raisonnement, pourrait en toute sûreté et avec pleine assurance en juger un autre qui est son égal ? De quel droit ce premier déciderait-il du sort de ce dernier ?

Je ne dis pas qu’il faut pardonner aux criminels ; bien au contraire, ceux-ci devraient être jugés objectivement dans le cadre d’un procès juste et équitable, puis soumis aux conséquences prévues par la loi, ni plus ni moins. Et cette loi devrait respecter et protéger les droits de tous et de chacun, et en aucun cas ne devrait inciter à leur violation ; et personne n’est au-dessus de la loi.

D’autres soutiennent que la torture est parfois utile. À ceux-là, je demande : quelle fin pourrait être justifiée par un moyen aussi barbare et inhumain ? Quelle utilité la torture a-t-elle, à part faire proliférer le mal là où le mal est fait ? Quels problèmes la torture, la violence et la haine de son prochain, sources de tous les maux, ont-elles déjà résolus ?

Je songe par-dessus tout à leur indifférence. La faute ne repose pas autant sur les murs qui m’étouffent que sur les oiseaux, inconscients et indifférents, qui les laissent faire. Le problème est bien là. Les murs ne nous étoufferaient pas si les oiseaux s’y opposaient.

Combien de ces oiseaux resteraient insensibles devant la mort d’un de leurs semblables ? Combien continueraient à voler comme si de rien n’était ? Combien regarderaient le mort droit dans les yeux sans le moindre sentiment ?

Aucun. Aucun, car les oiseaux voient en ce condamné un de leurs semblables ; car ils se voient eux-mêmes. Et c’est lorsqu’ils ne se reconnaissent plus en ce condamné que son sort ne leur importe plus.

Alors, comment mettre fin à la torture et aux mauvais traitements ?
Arrêtons de banaliser ces actes injustifiables enfreignant les droits humains.
Réhumanisons les victimes.
Dénonçons les agresseurs.
Mais surtout et par-dessus tout, ne restons pas indifférent.

Le devoir de juger n’est pas le mien.
Je fais appel à la conscience et à la raison de tous et de chacun.


Thomas Pajic, sec. 4, Collège Beaubois

Lettre à monsieur Daniel Vandal,
ministre des Affaires autochtones et du Nord

Objet : Lutte pour la dignité des personnes

Monsieur le Ministre, commençons ce plaidoyer par une simple question : la dignité, se trouve-t-elle dans la personne ? Pensez-vous, Monsieur le Ministre, qu’un humain pourrait être libre d’ombrager, de piétiner, de ruiner la vie d’un autre, s’il naît sous la même forme que les autres, si, à la fin, nous n’étions pas tous le fruit du même arbre ? L’être humain ne devrait-il pas, comme le dirait Jean-Jacques Rousseau, empêcher la corruption, le mal, la souffrance, par des contrats, par des concessions ? Eh bien, Monsieur le Ministre, le sujet de l’état universel de la personne, et du jugement des actes qui ne se conforment pas à la nature de l’être humain, a été déterminé par la Déclaration universelle des droits de l’homme. Cette déclaration, elle n’a qu’un but, un grand but, un but qui serait assez puissant pour régir les êtres humains dans leur entièreté. Ce but, c’est la dignité. Nous vous faisons parvenir cette lettre, à vous spécifiquement, puisqu’il nous semble qu’au Canada, pays réputé pour être paisible, pacifique et prospère, des choses insensées se déroulent sous nos yeux. En effet, plusieurs formes de mauvais traitements sévissent chez les Canadiens. En tant qu’êtres humains sensés et dotés d’une conscience, nous nous révoltons devant de tels faits et souhaitons vous aider à répondre à la question suivante : comment lutter contre la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants qui sévissent au Canada ?

Pour commencer, abordons le concept de dignité, qui est vue comme un projet, comme une fin. La dignité se façonne à partir de la vertu, de la conscience, de ce qui est inhérent chez l’être humain. Elle suppose un minimum de droits et de libertés accordés à la personne. Malgré ce concept, des atrocités réussissent tant bien que mal à s’infiltrer au Canada. En effet, en juillet 2017, par exemple, l’étude des docteures Yvonne Boyer et Judith Bartlett révélait le témoignage de sept femmes autochtones de la Saskatchewan qui ont été stérilisées sans leur consentement. Une telle pratique entre dans la définition de la torture et ne peut en aucun cas être tolérée, d’autant plus que ces femmes en gardent d’importantes séquelles : quelques-unes souffrent de dépression, d’autres vivent de l’anxiété, et l’une d’elles présente même des signes de choc post-traumatique. En dépit de tout cela, le gouvernement n’a offert à ce jour que des excuses vides et de belles promesses. Pourtant, un recours collectif datant d’octobre 2017, déposé par l’avocate Alice Lombard, regroupe près de 60 femmes de différentes provinces qui affirment avoir souffert de telles abominations. Nous ne pouvons laisser de tels affronts impunis et souhaitons encourager la population et vous, Monsieur le Ministre, à intervenir contre ces crimes. Afin d’atteindre l’utopie désirée, une révolte intérieure est nécessaire, impliquant un engagement. Nous devons susciter des manifestations, planifier des enquêtes et indemniser les victimes, si nous voulons un jour envelopper de chaleur et d’amour-propre cette terre, mère des humains.

Ensuite, nous aimerions discuter de l’acculturation des Autochtones. Ces groupes ethniques étaient autrefois vus comme une nuisance, comme un cancer sur la surface du territoire canadien. Dès la fin du 19e siècle, monsieur Macdonald a entrepris de séparer les familles et d’envoyer les enfants dans des pensionnats où, dans un environnement insalubre, ils ont été persécutés et maltraités. Mariages forcés, alcoolisme et agressions sexuelles faisaient partie du quotidien. Ainsi, marqués à jamais, de nombreux anciens pensionnaires ont développé des symptômes de trouble de stress post-traumatique. Ces actions exécutées par le gouvernement canadien remettent en question les engagements de l’État dans les conventions signées. L’être humain n’est pas parfait et se corrompt en société. Voilà pourquoi la politesse et les bonnes manières existent. C’est dans le but d’aider à encadrer, à rendre ne serait-ce qu’un peu plus tolérables les interactions avec les autres que les compromis sont créés, comme le Code criminel ou le contrat social. Nous recommandons donc, Monsieur le Ministre, d’amener le gouvernement du Canada à soutenir et à réconcilier les parties impliquées dans cette histoire d’assimilation.

Qui plus est, l’éducation autochtone a dû être abolie. Ces aborigènes ont abdiqué devant une nouvelle méthode d’apprentissage et ont été aliénés par l’Europe pendant plus de 350 ans. Cela a gravement affecté l’héritage de leur culture, annihilant partiellement les traditions amérindiennes. Dans les années 1960, les Autochtones réussissaient difficilement à l’école, n’ayant pas d’éducateurs adéquatement formés pour leur enseigner. En effet, il n’y avait que 200 autochtones inscrits dans les universités, comparés à une démographie de 60 000 élèves ! Heureusement, l’Assemblée des Premières Nations a élaboré une politique en matière d’éducation et travaillé à la création de programmes scolaires dans les écoles autochtones. De nos jours, malheureusement, les élèves des Premières Nations ont droit à 30 % moins de financement que les autres Canadiens, et des cas de suicides sont rapportés dans des écoles financées par le gouvernement fédéral. Bref, tout cela montre que nous négligeons les privilèges des Autochtones, alors qu’il est de notre devoir de soutenir tout élève qui se montre motivé. Nous devrions investir dans le budget de l’éducation des Autochtones, qui néglige des milliers d’étudiants. Le gouvernement fédéral a pris une bonne décision, le 16 août 2017, en ratifiant la Loi sur l’accord en matière d’éducation conclu avec la Nation des Anishinabes, qui confère à celle-ci un plus grand contrôle sur l’éducation dans ses réserves.

Pour conclure, nous croyons que l’oppression, la déshumanisation et la terreur infligées aux êtres humains les privent d’eux-mêmes, ne les laissant pas penser à quoi que ce soit, leur interdisant leurs réflexions, leur imagination et leurs projets. Après la torture, il n’y a plus d’humain, il ne reste qu’une enveloppe vide, tranchée par ces atrocités. Il est clair que beaucoup d’efforts sont toujours nécessaires, mais cela ne doit pas nous arrêter, puisque l’humain est un but et que la dignité n’attend personne. Il faut saisir de nos propres mains notre projet et, pour y arriver, le seul moyen consiste à affronter le problème de face. À la fin, l’être humain ne peut qu’avancer.

Sur cette note, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, nos considérations les plus distinguées.

Thomas Pajic
Collège Beaubois, 4e secondaire