Cas étudié par Danny Latour

L’Angola est un pays dont le passé violent explique le contexte sociopolitique actuel. Son président, José Eduardo dos Santos, en place depuis 35 ans, ne présente aucune disposition à se retirer. Pendant cette période, le pays a été le théâtre de nombreuses guerres civiles qui ont causé la mort  de millions de personnes [1]. Malgré le développement économique rapide du pays en raison de ses ressources minières et fossiles, de nombreux rapports montrent que ce développement se fait au détriment des droits de la personne

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Une situation généralisée

Le portrait de l’Angola en matière de respect et de protection des droits de la personne est peu reluisant; les rapports à cet effet sont majoritairement négatifs et il semble que les infractions et scandales éclaboussent continuellement la réputation de ce pays. À cet effet, nous pouvons citer quelques cas.
En 2011, un journaliste angolais, Rafael Marques, a été déclaré coupable «d’abus de liberté de presse» [2] pour avoir publié le livre, Blood Diamonds: Corruption and Torture. Ce dernier y décrivait une situation critique d’abus des droits de la personne par les compagnies minières bénéficiant du support et de la complaisance du gouvernement. Le livre cite entre entre autres des cas de torture, de meurtres et d’autres traitements cruels et dégradants afin de terroriser les populations de milieux ruraux dans le but d’en faciliter l’exploitation de la main d’oeuvre.
En novembre 2014, un groupe d’agents de l’État, dont des commandants de police, ont filmé pendant deux heures dans une école l’arrestation et le passage à tabac d’une manifestante pacifique, Laurinda Gouveia, parce qu’elle aurait pris des photographies d’agents qui maltraitaient de jeunes manifestants [3]. Jusqu’à aujourd’hui, aucune enquête sur les actions de ces policiers n’a été répertoriée.
En 2015, un total de 17 activistes des droits de la personne, dont 15 étudiants, furent arrêtés pour avoir organisé des séances de discussion sur les violations des droits de la personne commises en Angola. Ils ont été accusés de «préparer des actes visant à rompre l’ordre public et la sécurité du pays», de «rébellion», et de «tentative de coup d’État» [4]. Des rapports montrent que, lors de leur détention provisoire, les accusés ont été soumis à de nombreuses atteintes à leur dignité et à leurs droits. Ils auraient subi, par leurs geôliers, de nombreux actes violents et d’autres mauvais traitements s’apparentant à des pratiques cruelles et dégradantes.

Des conséquences dramatiques

Bien que les quelques cas cités ci-dessus ne concernent pas tous des actes de torture, il n’en demeure pas moins qu’ils témoignent de la présence d’une culture liberticide et qu’ils ne constituent probablement que la pointe de l’iceberg. À cet effet, les évènements dénoncés par M. Marques dans son livre ainsi que les nombreux rapports des organismes de protection des droits de la personne tendent à confirmer cette affirmation. Pour les prochaines années, l’ampleur de la situation, l’absence de contrôle et l’impunité laissent présager que l’usage de la violence et des mauvais traitements par les forces de l’ordre ne diminuera pas.
D’autre part, le système judiciaire de l’Angola montre des signes évidents d’une désagrégation de la séparation des pouvoirs au profit des élites politiques et entrepreneuriales; ce qui correspond au népotisme. Cette perversion laisse craindre la disparition des principes de droits généralement reconnus et à la persistance plutôt d’une culture d’impunité laissant libre cours à la violence.
De manière générale, ce contexte sociopolitique de l’Angola contribue à l’instabilité politique régionale, à la dégradation des conditions vie, au mépris de la vie humaine et au renforcement d’une culture de violence – une condition socioculturelle qui demandera beaucoup de temps à désamorcer. Pendant ce temps, le peuple angolais ne peut bénéficier d’un développement socio-économique à la hauteur de son potentiel.

Droit international

L’Angola est un État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIRDCP). Ce dernier stipule à son article 7 que «nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. […]» [5]. L’absence évidente d’efforts gouvernementaux pour endiguer le recours aux pratiques violentes ou aux traitements cruels et dégradants constitue une contravention aux  engagements internationaux de l’Angola.
Si la définition d’un acte de torture n’est pas assurée par le PIRDCP, cette dernière a été codifiée par la jurisprudence internationale, dont le jugement Furundzija, qui décrit un acte de torture comme : « le  fait  d’infliger  intentionnellement  par  un  acte  ou  une  omission,  une  douleur  ou  des souffrances  aiguës,  physiques  ou  mentales,  aux  fins  d’obtenir  des  renseignements  ou  des aveux, ou de punir, intimider, humilier ou contraindre la victime ou une tierce personne ou de les discriminer pour quelque raison que ce soit» [6]. Ainsi les évènements cités plus haut correspondent bien aux actes proscrits par le PIRDCP et par la jurisprudence internationale. L’Angola voit donc sa responsabilité engagée en vertu du non-respect de ses engagements internationaux et de ses responsabilités envers les autres États contractants au PIRDCP. De plus, l’Angola est aussi responsable envers la communauté internationale pour l’atteinte du principe général de droit qu’est l’interdiction de la torture en raison de son omission de diligence et par sa complicité.

Sources

ACAT France. 2016. Condamnation de 17 jeunes opposants, l’UE doit demander leur libération. https://www.acatfrance.fr/communique-de-presse/condamnation-de-17-jeunes-opposants–lue-doit-demander-leur-liberation
Amnesty International. 2016. Report 2015/2016 – The State of the World’s Human Rights. http://www.amnestyusa.org/sites/default/files/pol1025522016english.pdf
Central Intelligence Agency (CIA). 2016. The World Fact Book – Angola. https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/ao.html  [1]
Drury, Flora. 2015. Torture, beatings and murder: Inside the new brutal ‘blood diamonds’ scandal fuelled by pure greed in Africa’s mines. Daily Mail, 17 avril 2015. http://www.dailymail.co.uk/news/article-3040370/Torture-beatings-murder-Inside-new-brutal-blood-diamonds-scandal-fuelled-pure-greed-Africa-s-mines.html
Human Rights Watch. 2015. World Report 2015: Angola. https://www.hrw.org/world-report/2015/country- chapters/angola  [2] [3]
Organisation des Nations unies. 1976. Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Recueil des Traités, vol. 999 et vol. 1057. [5]
Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). 1998. Prononcé du Jugement dans l’affaire Le Procureur contre Anto Furundžija. La Haye, 10 décembre 1998. http://www.icty.org/x/cases/furundzija/tjug/fr/981210.pdf [6]
World Organization Against Torture. 2016. Angola: Continuing judicial harassment of 16 pro-democracy activists. http://www.omct.org/human-rights-defenders/urgent-interventions/angola/2016/02/d23594/  [4]