On pose souvent la question : mais est-ce que le Canada est responsable de torture? Le présent projet vise à donner des pistes exploratoires afin d’approfondir la question. En fait, au Canada, on retrouve surtout ce qu’on appelle communément des mauvais traitements.
Voici quelques exemples de cas au Canada qui font réfléchir :
a) Négligence dans les lieux privatifs de liberté : un jeune autochtone atteint de maladie mentale a été oublié en isolement dans une prison ontarienne durant quatre ans; une femme fait plusieurs crises cardiaques à l’établissement de détention de femmes à Joliette parce qu’il n’y a pas de docteur sur place pour diagnostiquer ce que l’infirmière croyait être une crise d’angoisse; les conditions de détention des femmes de la prison Leclerc à Laval incluant rats et punaises de lit et celles au Nunavik où on retrouve sur les murs de cellules des traces de sang et d’excréments; etc.
b) Usage excessif de la force par un agent de la paix ou de prison : dans une opération disciplinaire, des agents correctionnels ont utilisé des jets de poivre de cayenne au point d’entrainer la mort du détenu par étouffement.
c) Stérilisation forcée des femmes autochtones dans les Prairies jusqu’à récemment.
d) Certaines pratiques dénoncées par l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (ENFFADA) : des femmes disparaissent et la police n’enquête pas; abus sexuels, brutalité et intimidation par la police fédérale; violation du droit fondamental à la santé; violence et mauvais traitements sur les enfants placés en famille d’accueil par les services de protection de l’enfance; etc.
Engagement du Canada contre les mauvais traitements :
Lorsqu’un pays adhère à une convention internationale, il est soumis à des obligations extrêmement précises qui constituent pour les défenseurs des droits humains un appui essentiel pour vérifier, contrôler et, donc, agir. Ainsi le Canada a, entre autres, ratifié la Convention contre la torture et peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en 1984.
Comme son titre le démontre, nous avons là une convention internationale qui engage le Canada à des conduites très précises contre deux aspects : i) « torture » et ii) « peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». Nous oublions souvent le deuxième aspect pour ne traiter que de torture. Pourtant les « peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants », communément appelés les « mauvais traitements », sont le fléau à combattre partout dans la majorité des pays.
Comparons les deux aspects de cette convention :
Éléments de l’article 1 qui définissent la torture :
1. Un acte de torture génère une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales;
2. Infligées intentionnellement à des fins précises (soutirer des informations, tenir dans la peur, discriminer, etc.);
3. Par l’action directe ou indirecte d’un agent de la fonction publique ou d’un représentant autant officiel que non officiel.
Éléments de l’article 16 qui abordent les mauvais traitements :
1. Les actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;
2. Qui ne sont pas des actes de torture;
3. Par l’action directe ou indirecte d’un agent de la fonction publique ou d’un représentant autant officiel que non officiel.
Comparaison des article 1 et 16 de la Convention contre la torture
- Les deux ont pour auteur un agent de la fonction publique ou un représentant autant officiel que non officiel.
- La torture est bien définie à l’article 1 comme étant une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales infligées intentionnellement à des fins précises.
- Les mauvais traitements à l’article 16 ne sont pas de la torture, donc ils n’ont pas besoin d’être spécifiquement une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales infligées intentionnellement à des fins précises, mais certains de ces éléments peuvent être présents.
- L’article 16 décrit les actes constitutifs de mauvais traitements, en spécifiant leur qualité : cruels, inhumains ou dégradants.
Quoi faire?
En s’appuyant sur les obligations du Canada concernant la lutte contre la torture, on doit briser le silence sur les mauvais traitements que le Canada pratique impunément.
Il faut absolument : s’informer et divulguer ces injustices autour de soi,
… par exemple, en parler à ses proches et diffuser sur les réseaux sociaux.
On peut aussi : s’engager en devenant membre ou bénévole d’une organisation non-gouvernementale (ONG) qui combat la torture et les mauvais traitements, comme l’ACAT, afin d’interpeller les gouvernements directement en exigeant la fin de l’impunité et la protection des victimes,
… par exemple envoyer des lettres aux autorités, soit en agissant soi-même, soit par l’entremise de l’ONG dont on est membre.
Pour approfondir la question des mauvais traitements au Canada :
Sites où on publie les résultats des enquêtes indépendantes faites au Canada et au Québec
Bureau de l’enquêteur correctionnel du Canada (voir les rapports annuels et spécialisés) : www.oci-bec.gc.ca
L’Ombudsman des provinces, au Québec le Protecteur du citoyen (voir les rapports annuels et spécialisés) : protecteurducitoyen.qc.ca
Bureau des enquêtes indépendantes sur des événements impliquant la police au Québec : www.bei.gouv.qc.ca
Rapports finaux de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (ENFFADA) où on parle abondamment de mauvais traitements : www.mmiwg-ffada.ca
Matériel sur le site de l’ACAT Canada
Plusieurs articles sur le Canada où l’ACAT Canada dénonce, entre autres, des mauvais traitements : acatcanada.ca/tag/canada
Rapport 2017 de l’ACAT pour l’EPU du Canada par les Nations unies : acatcanada.ca/epu-canada-sommaire
Rapport 2018 de l’ACAT pour le Comité contre la torture à l’ONU : acatcanada.ca/wp-content/uploads/Rapport-alternatif-FIACAT-ACAT-Canada-2018-final-1.pdf
Matériel pertinent sur le site des Nations unies
Observations finales du Comité contre la torture à l’ONU lors de la révision de la mise en œuvre de la convention au Canada en 2018 : tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/treatybodyexternal
Comité contre la torture : www.ohchr.org/fr/hrbodies/cat/pages/catindex.aspx
Convention contre la torture : www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/cat.aspx