Bertrand Zibi Abeghe, prisonnier politique au Gabon depuis 2016, a fait parvenir une lettre ouverte à l’archevêque de Libreville, Mgr Iba-BÂ. Tout en le félicitant pour sa nomination l’an dernier à la tête de l’Église catholique du Gabon, il en profite pour raconter son histoire et sa conversion au christianisme. Le calvaire vécu par cet ex-député démissionnaire, qui espère encore la libération du Gabon et des Gabonais, a aussi été vécu par des prisonniers politiques moins connus du public et oubliés derrière les barreaux.


Vous pouvez agir

Signez la pétition en ligne : chng.it/5GvSyPfq

Lettre d’action :


Le Gabon est « un pays béni de Dieu, immensément riche, mais dont la population est l’une des plus pauvres d’Afrique et du monde » [1]. Or, comme dans d’autres dictatures, seul un petit nombre de privilégiés profite des richesses du pays.

Bertrand Zibi Abeghe, ex-député du parti au pouvoir depuis des décennies, a osé critiquer la gestion des ressources par son parti, il a démissionné en 2016 et s’est lié d’amitié avec le chef du parti de l’opposition, Jean Ping. Là a commencé son calvaire. On a d’abord tenté d’incendier sa maison, mettant en danger toute sa famille et ses voisins [2]. Ensuite, il a été pris dans une manipulation par un voyou embauché par l’État ; cela l’a conduit en prison, pour un délit mineur dont les preuves ont été falsifiées et pour lequel le tribunal correctionnel l’a condamné à six ans de prison en juillet 2019, trois ans après son arrestation – c’est ce qu’on appelle de la détention préventive abusive ! Les motifs de cette condamnation, détention illégale d’arme et non-assistance à personne en danger [3], ne se basent sur aucune preuve. Dans les faits, il a été arrêté durant la semaine des élections du mois d’août 2016, en même temps que des dizaines d’opposants politiques rattachés à Jean Ping [4] qui considèrent ce dernier comme le président élu. Les émeutes entourant les élections ont aussi tué et blessé gravement des innocents au quartier général de Jean Ping.

Plusieurs des survivants ont fini comme prisonniers politiques, tout comme d’autres prisonniers d’opinion dissidente qui font trop de bruit. C’est le cas notamment pour Ballack Obame, Consty Mezui Ondo, Gérald Agaims et bien d’autres [5]. Bertrand Zibi Abeghe jouit d’une certaine visibilité en raison de son statut de député, les médias et les organismes de la société civile dénonçant haut et fort qu’il fallait le libérer. Il a finalement été entendu à la cour d’appel le 18 janvier 2021 mais, le 1er mars, le verdict rendu a annoncé le maintien de sa peine [6].

Bertrand Zibi Abeghe et tous les autres prisonniers politiques du Gabon vivent un véritable calvaire à la prison centrale de Libreville, dans un lieu dont on connait la dureté des conditions : on vous nourrit à peine et l’eau est empoisonnée [7] ; certains quartiers constituent de véritables mouroirs [8] ; les personnes malades n’y reçoivent aucun soin, encore moins celles qui souffrent de maladie mentale, ce qui fait que certains quartiers ressemblent à des asiles [9]. Il faut souligner que Bertrand Zibi a subi la torture dans les premières années de sa détention, au point de perdre connaissance à certaines occasions : « Je pardonne à tous mes persécuteurs, mais je n’oublie pas les tortures, qui restent à jamais gravées dans ma mémoire [10] », écrivait-il dans sa lettre à Mgr Iba-BÂ. Les prisonniers politiques arrêtés au cours des événements entourant les élections de 2016 ont probablement vécu eux aussi de la torture. Toutefois, comme ils sont inconnus des médias, personne ne dénonce le fait que leurs droits procéduraux ne sont pas respectés ou que leur intégrité physique et psychologique a été bafouée à maintes reprises pour des motifs politiques.

Au-delà de ces injustices, Bertrand Zibi Abeghe est animé par l’amour de sa patrie. Il souhaite que les Gabonais puissent être libres et profiter des richesses de leur pays. Sa foi en la justice surpasse tous les sévices auxquels il a survécu [11]. Qu’il en soit de même pour les autres prisonniers politiques.

L’ACAT Canada considère que le Gabon ne respecte pas ses obligations internationales en vertu de la Convention contre la torture et de son Protocole facultatif (OPCAT), qu’il a ratifiés, ni ses obligations régionales à titre de membre de l’Union africaine, dont la Charte interdit fermement la torture. Le pays a l’obligation d’enquêter de manière indépendante et impartiale afin d’établir la vérité sur les actes de torture et les mauvais traitements infligés à tous ses prisonniers politiques, incluant Bertrand Zibi Abeghe, et de sanctionner les auteurs de ces actes. Le Gabon devrait aussi construire des prisons où la dignité humaine est respectée. Mais surtout, la République gabonaise se doit de libérer tous les prisonniers politiques qui ont été détenus assez longtemps, souvent en détention préventive abusive, sans autre raison valable que leur soif de justice.

Sources

7 jours info. 2021-01-13. Lettre du prisonnier politique gabonais Bertrand Zibi à l’Église catholique [lettre publiée en exclusivité par le journal La Cigale Enchantée]. 7joursinfo.com/actualites/lettre-du-prisonnier-politique-gabonais-bertrand-zibi-a-leglise-catholique [1] [2] [8] [9] [10] [11]

ACAT Canada. 2019. Gabon : Attente interminable des prisonniers politiques. acatcanada.ca/gabon-prisonniers-politiques [4]

ACAT Canada. 2020. Hervé Mombo Kinga en direct du Gabon. acatcanada.ca/herve-mombo-kinga-en-direct-du-gabon [7]

Gabon Media Time. 2021-03-01. Affaire Zibi Abeghe: confirmation de la peine par la Cour d’appel. www.gabonmediatime.com/affaire-zibi-abeghe-confirmation-de-la-peine-par-la-cour-dappel [6]

Gabon Review. 2021. Gabon : détenu depuis 2016, Bertrand Zibi passe en Appel ce 18 janvier. www.gabonreview.com/gabon-detenu-depuis-2016-bertrand-zibi-passe-en-appel-ce-18-janvier [3]

Souveraineté Gabon. 2021. Les prisonniers politiques et d’opinion au Gabon. www.souverainetegabon.com/resistance/les-prisonniers-politiques-et-dopinions-au-gabon [5]