L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme [1] a été informé, par des sources fiables, du harcèlement exercé par des policiers indiens sur des défenseurs des droits humains, et de la détention arbitraire qui en découle. Quatre personnes dans l’État du Manipur ont subi ce harcèlement et cette détention en relation avec des déclarations publiées sur Facebook ou dans des communiqués de presse, critiquant la gestion actuelle de la pandémie de COVID-19 par les autorités locales [2].

Selon les informations reçues, le matin du 3 avril 2020, vers 6 h, M. Roy Laifungbam, président du Centre pour l’organisation, la recherche et l’éducation (CORE), a été arrêté à son domicile de Yaiskul, dans l’État du Manipur, par la police d’Imphal West, qui n’a présenté aucun mandat d’arrêt.

À son arrivée au poste de police, M. Laifungbam n’a pas été informé des charges retenues contre lui. La police a ensuite présenté un premier rapport d’information à son avocat, alléguant que M. Laifungbam avait été inculpé en vertu de l’article 188 du Code pénal indien (« désobéissance à une ordonnance dûment promulguée par un fonctionnaire »), concernant une publication sur Facebook qu’il a partagée le 2 avril, concernant la crise causée par la propagation du COVID-19 dans l’État du Manipur. Le message indiquait : « L’actuel ministre en chef du Manipur, en particulier en cette période de crise, devrait s’abstenir de gaspiller les ressources, le temps et le personnel de l’État pour mener à bien tout programme politique personnel. Il rabaisse la position occupée et la responsabilité qui en découle. »

Le soir du 4 avril, M. Laifungbam a été remis en liberté sans avoir été inculpé, après avoir été contraint de supprimer son message Facebook et de présenter des excuses publiques sur les médias sociaux et au grand public pour avoir partagé une telle déclaration.

Par ailleurs, le 1er avril 2020 vers 21 h 30, M. Takhenchangbam Shadishkanta, secrétaire du Forum des jeunes pour la protection des droits humains (YFPHR), a été arrêté à son domicile par une équipe d’officiers du commissariat de police de Porompat, Imphal East, sans mandat d’arrêt.

Le 2 avril 2020, vers 9 h, l’officier responsable du poste de police de Patsoi s’est rendu au domicile de M. Khangjrakpam Phajaton, président du YFPHR, et a demandé à son père de l’amener sans délai à la police. Le père de M. Phajaton a été menacé d’accusations en vertu de la loi sur la sécurité nationale (NSA) si son fils ne se présentait pas au poste de police.

Lorsque M. Phajaton s’est rendu au poste dans l’après-midi, il a été informé que lui et M. Shadishkanta étaient inculpés en vertu de l’article 51 b) de la Loi sur la gestion des catastrophes de 2005 (« refus de se conformer aux instructions données par les organes directeurs ») et de l’article 120 B du Code pénal indien (« complot criminel »), en relation avec un communiqué de presse publié par le YFPHR le 1er avril 2020. Le texte exprimait de sérieuses préoccupations quant à la proposition du gouvernement de mettre en place un centre de quarantaine dans une rizière, menaçant ainsi les moyens de subsistance des habitants de la région.

MM. Shadishkanta et Phajaton ont ensuite comparu devant le magistrat en chef, Imphal East. Vers 22 h, ils ont tous deux été libérés sous caution, contraints de verser 30 000 INR (environ 500 $) chacun.

De même, le 1er avril 2020, vers 19 h 30, M. Konsam Victor Singh, un membre du Parti populaire du Manipur, connu pour avoir pris la parole sur les réseaux sociaux au sujet de questions sociales, politiques et judiciaires, a été arrêté à sa résidence de Khurai Konsam Leikai, à Imphal, par des officiers du commissariat de Porompat, Imphal East. Il y a été détenu pendant la nuit, dans une petite cellule avec six autres détenus. Pendant de sa détention, aucun rapport d’information ni plainte officielle n’ont été déposés contre lui. La police lui a cependant dit qu’il était détenu en lien avec une publication qu’il avait écrite sur Facebook le 31 mars 2020, dans laquelle il demandait combien le ministre en chef du Manipur avait contribué au fonds de secours COVID-19. La police alléguait que sa déclaration « avait favorisé la négativité contre le ministre en chef du Manipur ». De plus, la demande d’accès de M. Singh à son avocat a été rejetée.

Le harcèlement policier et la détention arbitraire subis par MM. Roy Laifungbam, Takhenchangbam Shadishkanta, Khangjrakpam Phajaton et Konsam Victor Singh sont préoccupants. Ces traitements semblent avoir comme unique but de les punir et de les intimider pour leurs activités légitimes en faveur des droits humains et pour l’exercice de leur droit à la liberté d’expression. Le harcèlement policier menant à de la détention arbitraire pour avoir exercé sa liberté d’expression est constitutif de traitements dégradants, selon le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel l’Inde a adhéré en 1979. L’article 7 de ce Pacte prévoit l’interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L’Observatoire rappelle en outre que la crise sanitaire mondiale actuelle ne doit pas être utilisée pour porter atteinte aux droits fondamentaux et que les gouvernements sont tenus de protéger le droit à la liberté d’expression et d’information.

L’ACAT Canada se joint à l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme et à l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et vous invite à écrire aux autorités indiennes pour les exhorter à :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et le bien-être psychologique de MM. Roy Laifungbam, Takhenchangbam Shadishkanta, Khangjrakpam Phajaton et Konsam Victor Singh, ainsi que de tous les défenseurs des droits humains en Inde ;

ii. Mettre fin à tous les actes de harcèlement – y compris sur le plan judiciaire – contre MM. Roy Laifungbam, Takhenchangbam Shadishkanta, Khangjrakpam Phajaton et Konsam Victor Singh et contre tous les défenseurs des droits humains en Inde ;

iii. Veiller à ce qu’ils soient en mesure de mener à bien leurs activités légitimes en faveur des droits humains et d’exercer leur droit à la liberté d’expression, sans entraves ni crainte de représailles, en toutes circonstances ;

iv. Garantir en toutes circonstances le respect des droits humains et des libertés fondamentales, conformément aux normes internationales relatives aux droits humains et aux instruments internationaux ratifiés par l’Inde, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel l’Inde a adhéré en 1979 et dont l’article 7 prévoit l’interdiction de la torture et des mauvais traitements.

Appel à l’action de l’OMCT traduit et adapté par Nancy Labonté, coordonnatrice


Vous pouvez agir

Lettre d’action en format .pdf : Lettre pour l’Inde en .pdf

Lettre d’action en format modifiable .docx : Lettre pour l’Inde en .docx


Sources

Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme. Page web. www.omct.org/fr/human-rights-defenders/observatory/ [1]

Organisation mondiale contre la torture (OMCT). 2020. India: Police harassment of four human rights defenders for criticizing the management of COVID-19 pandemic in Manipur State. www.omct.org/human-rights-defenders/urgent-interventions/india/2020/04/d25779/ [2]