Article de Laïla Faivre.

Face à la recrudescence des actes de violations des droits de la personne au Burundi, la Fédération internationale de l’action des chrétiens pour l’abolition de la torture (FIACAT) a mis en place un programme de surveillance : SOS Torture / Burundi. Ce programme a pour principal objectif de collecter les différents témoignages d’actes de tortures, d’exécutions judiciaires, ou encore d’enlèvements, qui sévissent dans le pays depuis la crise politique et la tuerie du 11 décembre 2015, dans la perspective de prévenir l’occultation de ces violations [1]. Les rapports hebdomadaires révèlent au public ces témoignages : http://sostortureburundi.over-blog.com
La FIACAT a tenté des actions auprès du gouvernement ces derniers mois, mais a reçu une fin de non-recevoir. Elle envoie alors tous les rapports SOS Torture aux Nations Unies, à l’Union européenne et à la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples. Des rencontres ont eu lieu avec le rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires et les autres membres de la mission d’enquête au Burundi du Haut Commissariat aux droits de l’Homme.
Le contexte politique, depuis près d’un an, plonge le pays dans une crise profonde, née de la volonté du président Pierre Nkurunziza de se maintenir au pouvoir en poursuivant un troisième mandat. Cet acte serait, selon les contestataires, contraires à la Constitution et aux accords d’Arusha de 2000, qui ont permis de ramener la paix au Burundi et d’établir un équilibre politique reposant sur un partage ethnique du pouvoir entre Hutus et Tutsis. Ce qui n’était qu’une crise politique à ses débuts, s’est ensuite transformé en un affrontement armé entre une opposition radicalisée et un régime de plus en plus répressif et pourrait, en définitive, aboutir à une crise ethnique [2].
Des attaques ciblées, des assassinats, exécutions sommaires visant des officiers de l’armée comme des civils, sont de nouveau répertoriés. Parmi ces attaques particulièrement violentes, on peut mentionner celle qui a coûté la vie au général Kararuza, son épouse et leur fille, ou encore celle qui a fait sept victimes dans la zone Musaga, dont deux enfants et une femme enceinte. La brutalité des attaques à ce jour ne fait que confirmer le constat d’une recrudescence et d’une aggravation du recours à la torture, d’arrestations arbitraires, d’enlèvements et de disparitions forcées [3].
« Depuis le début de l’année, mon équipe a enregistré au moins 345 nouveaux cas de torture et mauvais traitements. Ces chiffres choquants indiquent clairement le recours généralisé et grandissant à la torture et aux mauvais traitements par les forces de sécurité gouvernementales », a déclaré le haut-commissaire aux droits de l’Homme Zeid Ra’ad Al Hussein dans un communiqué du 18 avril. Il ressort des conclusions du Haut-commissariat des droits de l’Homme, qu’entre avril 2015 et le 1er mars 2016, est recensé plus de 474 morts directement liées à la crise politique, 36 disparitions forcées, 496 allégations de torture ou de mauvais traitements et près de 5 000 détentions [4]. L’attaque à la grenade du 24 avril dernier, qui visait M. Martin Nivyabandi, ministre responsable des droits de la personne, alors qu’il sortait d’un culte dominical dans le centre de Bujumbura, vient confirmer les inquiétudes du haut-commissaire.
Plus précisément, les rapports d’avril 2016 de SOS Torture / Burundi font mention des différents cas d’arrestations arbitraires, d’enlèvements et d’attaques armées à la capitale et dans ces environs. Sur les nombreux cas d’arrestations, il ressort de cela qu’aucun motif n’a été fourni lors des interpellations. Les habitants dénoncent à nouveau des arrestations arbitraires et s’inquiètent pour la sécurité des concernés. On recense également une dénonciation des pratiques de torture employées par les agents de police burundais. Tel est le témoignage de cette résidente de la zone Nyagasasa, commune Mugamba dans le sud du pays, qui a été torturée le 25 avril. Ces agents étaient à la recherche de son mari et ont exigé d’elle des informations sous la torture. Des témoins indiquent que les auteurs de ces actes sont des policiers récemment affectés dans cette zone, accusés par la population locale d’être particulièrement violents.
Dans un tel contexte d’intimidations et d’assassinats ciblés, de nombreux membres de l’opposition et de la société civile ont dû s’exiler. Parmi eux, le président de l’ACAT Burundi, M. Niyongere, est aujourd’hui réfugié au Rwanda aux côtés de six autres avocats burundais contraints comme lui de s’enfuir. Il leur est impossible de retourner dans leur pays en raison des menaces dont ils font toujours l’objet. Dans son témoignage, M. Niyongere évoque les menaces qui pèsent sur les défenseurs des droits de la personne, comme sa détermination de soutenir les avocats restés au Burundi :

« Malgré la répression sans merci et les intimidations envers les défenseurs des droits de l’Homme, nous allons continuer notre résistance, en montrant la répression quotidienne du régime de Pierre Nkurunziza, et en montrant que la police pratique régulièrement la torture, les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées et les violences sexuelles contre ceux qui se sont opposés au 3e mandat du président. La population burundaise a besoin d’une force d’interposition pour assurer sa sécurité ; le dialogue ne viendra qu’une fois la sécurité rétablie » [5].

Sources

Fondation ACAT. 2015. Rapport d’activité 2015. https://acatfrance.fr/public/ra-2016-fondation-web-double.pdf [5]
Haut-Commissariat de l’ONU sur les droits de la personne. 2016. Torture et de détention illégale en hausse au Burundi. http://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/TortureDetentionAuBurundi.aspx  [4]
Le Figaro. 2015. Les clés pour comprendre les enjeux de la crise politique au Burundi. http://www.lefigaro.fr/international/2015/05/13/01003-20150513ARTFIG00286-les-cles-pour-comprendre-les-enjeux-de-la-crise-politique-au-burundi.php [2]
SOS Torture / Burundi. 2016. N°20. http://sostortureburundi.over-blog.com/2016/04/sos-torture-burundi-n-20.html [3]
SOS Torture / Burundi. 2016. Rapport sur les violations graves des droits de l’Homme observées au Burundi :11 décembre 2015 – 11 mars 2016. http://sostortureburundi.over-blog.com/2016/05/rapport-sur-les-violations-graves-des-droits-de-l-homme-observees-au-burundi-11-decembre-2015-11-mars-2016.html [1]