L’ACAT Canada a pris position au sujet de la crise humaine qui se déroule en décembre 2019 au Chili. Le président de l’ACAT a signé :

14 décembre 2019

Cabinet du Premier Ministre
Le très honorable Justin Trudeau
80, rue Wellington
Ottawa, ON K1A 0A2

Objet : Crise politique et humanitaire au Chili

Monsieur le Premier Ministre,

En solidarité avec plusieurs organisations non gouvernementales et un collectif citoyen, nous nous adressons à vous afin de vous exprimer notre grande préoccupation devant le silence du gouvernement canadien vis-à-vis des violations aux droits humains qui ont cours au Chili. Nous vous demandons de reconnaître et de dénoncer publiquement la crise politique et humanitaire que vit le Chili en ce moment et de réaffirmer le droit du peuple chilien de vivre en paix, en démocratie et dans la dignité. En somme, nous vous demandons d’exiger le respect des droits de la personne et des libertés individuelles de tous les Chiliens et Chiliennes.

Depuis le 18 octobre 2019, les Chiliennes et les Chiliens sont sortis dans les rues de Santiago et de nombreuses autres villes à travers le pays. Ils exigent la fin des inégalités, de la précarité économique et des injustices sociales qui leur ont été imposées par la dictature de Pinochet et qui se sont poursuivies pendant les 30 dernières années. Les Chiliennes et les Chiliens demandent des réformes économiques, sociales, politiques et constitutionnelles significatives. Le peuple chilien demande de pouvoir vivre avec dignité et, compte tenu de la réponse du gouvernement, il exige la démission du président Sebastián Piñera.

Le 19 octobre, Piñera a décrété l’état d’urgence au Chili et le déploiement des forces armées dans le but d’imposer un couvre-feu et de réprimer les manifestants. Il a déclaré la guerre selon ses propres mots à son peuple délégitimant ainsi les droits constitutionnels des citoyennes et citoyens de manifester et violant l’article 20(1) de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) qui stipule que « Toute personne a droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques. » De plus, dans le dernier mois, la police et les forces armées ont commis des actes d’une violence grave, dont la torture, le viol, l’usage excessif de la force, etc. Ces actes contreviennent non seulement à l’article 5 de la DUDH mais aussi aux obligations découlant des traités relatifs à la prévention et la répression de la torture et des traitements cruels, inhumains et dégradants des Nations Unies et de l’Organisation des États Américains, tous ratifiés par le Chili.

Depuis le 3 décembre, des rapports de l’Institut national des droits humains du Chili (INDH), Human Rights Watch et Amnistie Internationale indiquent que le procureur général enquête sur 26 décès, que plus de 15 000 personnes ont été arrêtées, incluant des adolescents et des enfants, et que plus de 11 000 personnes ont été traitées par les services d’urgence. L’INDH a présenté 678 actions judiciaires, 6 pour homicide, 106 pour violence sexuelle et 517 pour torture. La tactique militaire la plus récente consiste à tirer intentionnellement au visage de balles de caoutchouc et de plomb (bannies par l’ONU) dans le but de réprimer les manifestants, ce qui a eu comme conséquence 241 plaintes pour blessures oculaires qui entrainent la perte permanente de la vue.

Le 10 décembre 2018, lors de la Journée internationale des droits humains, vous avez pris un engagement public important: « Le Canada s’engage fermement à protéger et à promouvoir les droits de la personne. Nous ne resterons pas indifférents alors que des centaines de milliers de personnes à travers le monde subissent de graves violations de leurs droits humains. Nous n’hésiterons pas à condamner les violations des droits de la personne, peu importe l’endroit où elles sont commises. » Compte tenu des violations atroces aux droits humains au Chili, nous vous demandons de vous prononcer en faveur de la protection des droits des Chiliennes et des Chiliens. Nous vous demandons de mettre en œuvre tous les moyens diplomatiques et internationaux à votre disposition afin d’exhorter le gouvernement du Chili à mettre fin à la répression militaire et policière et les abus de pouvoir. Ceci tout en demandant rapidement une enquête approfondie et impartiale sur les crimes graves commis par la police et les forces armées.

Nous avons pris note de votre position énoncée le 13 décembre concernant les mesures à entreprendre au Chili pour les droits humains. Cependant, vous ne dénoncez pas les abus des forces de l’ordre. Ainsi, nous nous adressons à vous pour vous demander d’être un émissaire de la protection des droits de la personne et non pas un spectateur passif de l’abus de ces droits.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de nos sentiments distingués.

Raphaël Lambal

Président de l’ACAT Canada