Article de Catherine Malécot

Le 9 octobre 2015, le Comité de l’ONU contre la torture (CAT) a condamné le Mexique pour les tortures infligées à Ramiro Ramírez, Rodrigo Ramírez, Orlando Santaolaya et Ramiro López en 2009. Le CAT demande la libération de ces quatre hommes ainsi que la mise en place d’un ensemble de mesures visant à leur rendre pleinement justice et à empêcher la répétition de ce type d’affaires. L’ACAT CANADA, comme d’autres organisations de lutte contre la torture ou de défense des droits humains, y compris au Mexique même, veut rappeler aux autorités de ce pays, leurs obligations : libérer immédiatement ces victimes, condamner leurs bourreaux et empêcher la répétition de telles affaires.

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Dans sa décision, le CAT conclut que les articles 1, 2, 12, 13 14, 15 et 22 de la Convention contre la torture ont été violés par le Mexique qui est pourtant signataire de ce traité depuis 1986. Il faut se rappeler que ces articles constituent le coeur de cet instrument de protection des personnes contre la torture et que toute défaillance de l’État dans leur mise en oeuvre effective ouvre la porte aux abus les plus graves, les cautionne même, en abandonnant les victimes et en laissant les auteurs libres de continuer.
Les quatre hommes ont été arrêtés arbitrairement par des militaires le 16 juin 2009 à Playas de Rosarito en Basse Californie. Ils sont alors longuement torturés, y compris pendant l’arraigo (détention préalable à toute enquête et inculpation) qui a duré 40 jours : menaces d’exécution, coups, ongles arrachés, asphyxie avec un sac plastique, décharges électriques. Ils avouent alors des enlèvements crapuleux et la possession d’armes lourdes. Ces aveux sont retenus à titre de preuves et entraînent  leur placement en détention préventive. Les quatre hommes sont laissés sans soins suite aux conséquences des tortures subies. Depuis la décision du CAT d’octobre dernier, ils ont été acquittés. Mais l’État mexicain, qui a ratifié la Convention contre la torture, doit organiser leur libération, ouvrir une enquête impartiale, poursuivre pénalement les auteurs et complices des tortures et assurer la réparation intégrale pour les victimes et leurs proches.
Comme l’a noté le président de la Commission mexicaine de défense et de promotion des droits humains (CMDPDH), José Antonio Guevara, « la décision du CAT représente aussi une victoire importante dans la lutte contre la torture et pour la reconnaissance des victimes au Mexique. C’est une décision monumentale qui reflète l’existence de mécanismes légaux qui ont permis la torture de milliers de personnes dans les dernières années » (notre traduction) [1]
À travers le cas de Ramiro Ramírez, Rodrigo Ramírez, Orlando Santaolaya et Ramiro López, l’État mexicain a une opportunité unique de démontrer de manière concrète sa volonté de mettre un terme aux pratiques tortionnaires et à l’impunité.

Quelques éléments éclairants

Les ravages de la « guerre contre le crime »

À son arrivée au pouvoir en décembre 2006, le président Felipe Calderón a déclaré la guerre à la délinquance organisée. D’une manière générale, les forces de l’ordre et l’appareil judiciaire ont procédé à des arrestations et condamnations massives en recourant à l’extorsion d’aveux et aux preuves illicites. Le bilan de cette guerre contre le crime est estimé à au moins 60 000 morts, 26 000 victimes de disparition forcée, 250 000 déplacés internes et des milliers de personnes torturées au cours de leur garde à vue et de leur détention. Le président Enrique Peña Nieto, en place depuis décembre 2012, n’a pas changé la donne. Ces pratiques aux effets désastreux persistent donc.

La torture comme première méthode d’enquête

La Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) a enregistré une augmentation de 600 % des plaintes pour torture en dix ans. En avril 2014, le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture a qualifié le recours à la torture d’« endémie inquiétante » au sein de « tous les corps de sécurité publique, policiers ou militaires » [2]. Très souvent, les juges acceptent les confessions obtenues sous la torture, violant ainsi le droit des accusés à un procès équitable.

L’arraigo, un permis de torturer

En 2008, la Constitution a introduit l’arraigo, une forme de détention provisoire avant inculpation pour les personnes suspectées de délinquance organisée, dont la durée maximale est de 40 jours, renouvelable une fois. En théorie, il s’agit d’optimiser les conditions d’enquête. En pratique, cela se traduit par un accès très restrictif ‑ voire nul les premiers temps ‑ à une défense légale, à la famille, aux soins et par un recours à des tortures visant à faire avouer et fabriquer des preuves. Depuis avril 2014, le nombre de placements sous arraigo a baissé.

Sources

ACAT France. 2015. « Fiche : Mexique ». Dans Géographie de la torture : Un monde tortionnairehttp://acatfrance.fr/public/rt2015-fiche-mexique-vf.pdf
Comisión Mexicana de Defensa y Promoción de los Derechos Humanos. 2015. Caso Los 4 de Rosarito. http://cmdpdh.org/casos-paradigmaticos-2-2/casos-defendidos/caso-4-civiles/
Haut Commisariat de l’ONU sur les droits de la personne. Page sur le Mexique. http://www.ohchr.org/FR/Countries/LACRegion/Pages/MXIndex.aspx [2]
OMCT. 2015. Mexico condemned for torture in a historical United Nations decision: A great victory for victims. http://www.omct.org/monitoring-protection-mechanisms/statements/mexico/2015/10/d23413/ [1]
Sin Embargo. 2015. 2015 : La tortura se generaliza y México es exhibido en el mundo http://www.sinembargo.mx/23-12-2015/1582919
 


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