Depuis 13 ans, Devi Sunuwar se bat pour obtenir justice pour la mort de sa fille de 15 ans, Maina. Celle-ci a été enlevée et torturée par des militaires de l’armée népalaise un jour de février 2004, devenant l’une des 16 000 victimes de la guerre civile qui a touché le pays de 1996 à 2006 [1].
Le long combat de Devi Sunuwar contre l’impunité a franchi une étape, en avril dernier, lorsque le tribunal de district a enfin condamné trois officiers impliqués dans la torture et le meurtre de sa fille. Le tribunal a toutefois acquitté un quatrième militaire haut gradé, « celui qui a arrêté ma fille et l’a emmenée au camp [où elle est morte] », explique Devi Sunuwar. Cette dernière a voulu faire appel, mais le procureur général a décidé de clore l’affaire [2]. De plus, depuis la décision d’avril 2017, les trois militaires condamnés n’ont toujours pas été arrêtés. La police a déclaré ne pas pouvoir les localiser, bien que des informations indiquent qu’ils se trouveraient à l’étranger. Interpol n’a pourtant pas été saisi de ce dossier par la police népalaise.
Malgré de nombreuses demandes et pressions de la part de la communauté internationale, dont celles de la haute-commissaire pour les droits de l’homme de l’époque, Louise Arbour, et de membres du gouvernement comme le premier ministre népalais, l’armée n’a pas coopéré avec les autorités nationales et a manqué aux engagements internationaux du pays [3]. En effet, le Népal a ratifié de nombreux traités, dont la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (CCT) en 1991 [4].
Le cas de Maina fait état de plusieurs violations de la CCT. Par exemple, l’article 2(2) de la CCT stipule qu’aucune circonstance exceptionnelle, comme une guerre ou une situation politique intérieure instable, ne peut justifier l’usage de la torture. Pourtant, la suspicion de participation à des activités maoïstes a été mise de l’avant pour motiver l’arrestation de la jeune fille. De plus, deux autres articles n’ont pas été respectés :  l’article 12 qui oblige les États à procéder immédiatement à une enquête impartiale, ainsi que l’article 13 qui donne droit à un recours effectif [5].
Sur le plan du droit interne, l’article 22 de la Constitution népalaise de 2015 interdit l’usage de la torture durant un interrogatoire ou une procédure judiciaire [6]. Malheureusement, la torture n’a toujours pas été érigée en infraction pénale.
De plus, bien qu’il n’ait pas ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées des Nations unies, le Népal a l’obligation d’en respecter les principes, en vertu du jus cogens : ensemble de normes impératives de « droit international général à laquelle aucune dérogation n’est permise » [7]. L’article 2 de cette convention définit ainsi les disparitions forcées : « l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l’État […], suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, la soustrayant à la protection de la loi » [8]. Avec la disparition de Maina, le Népal a violé l’article 1 de la Convention qui protège contre les disparitions forcées.

Contexte

Advocacy Forum a plaidé pour Maina dès le début de l’affaire, en 2004. Selon un rapport de cette ONG publié en 2010, des membres des forces de sécurité se sont présentés au domicile de Maina Sunuwar le 17 février 2004 [9]. Ils souhaitaient voir sa mère Devi, témoin quelques jours plus tôt de l’exécution extrajudiciaire de sa nièce de 17 ans. Comme Devi Sunuwar n’était pas chez elle, les forces de sécurité ont emmené Maina et ont prévenu son père que Devi devait se présenter en échange de sa fille. Le lendemain, les militaires ont déclaré qu’ils n’avaient pas la moindre information concernant le lieu de détention de l’adolescente. Maina a ainsi été soumise à une disparition forcée.
Cédant aux pressions exercées par la société civile népalaise et la communauté internationale, l’armée a finalement reconnu publiquement la mort de Maina Sunuwar. Cependant, sa version des faits n’a cessé de changer, tentant constamment de camoufler la réalité.
À force de ténacité, Devi Sunuwar a fini par découvrir où sa fille avait été détenue, où elle était enterrée, qui l’avait torturée, qui avait donné les ordres, qui en avait été témoin, et de quelle façon elle avait été torturée jusqu’à la mort. Son parcours pour faire ouvrir une enquête et faire juger l’affaire a été semé d’embûches. Elle s’est opposée à une grande résistance du système politique, militaire et judiciaire. Son combat a, cependant, fait de sa fille un cas emblématique de disparition forcée au Népal. Derrière Maina, des milliers de familles de victimes de disparition et de torture attendent également de connaître un jour la vérité et d’obtenir justice.
Devant un tel contexte, l’ACAT Canada vous invite à maintenir une pression et à interpeller Raman Kumar Shrestha, procureur général, en lui demandant :

  • d’étudier avec impartialité tous les éléments de preuve présents dans ce dossier ;
  • de poursuivre toutes les personnes ayant commis des actes de torture, quel que soit leur statut ;
  • d’agir avec diligence en vue de l’arrestation effective des trois personnes condamnées ;
  • enfin, de permettre à la plaignante, Devi Sunuwar, d’exercer son droit de recours.

Appel à l’action préparé par Andréa Torrent, stagiaire, et le Comité des interventions

Sources

ACAT France. 2013. Fiche pays du Népal. Dans Un monde tortionnaire : www.acatfrance.fr/un-monde-tortionnaire/Nepal [4] [6]
ACAT France. 2017-08-29. L’appel d’une mère : « J’ai besoin de votre aide » : www.acatfrance.fr/actualite/appel-dune-mere [2] [5]
Advocacy Forum. 2010. Maina Sunuwar: separating facts from fiction : advocacyforum.org/downloads/pdf/publications/maina-english.pdf [1] [3] [9]
Hansbury, Élise. 2011-12-21. Le juge interaméricain et le “jus cogens”. The Graduate Institute : graduateinstitute.ch/fr/home/relations-publiques/news-at-the-institute/news-archives.html/_/news/corporate/2011/news_871 [7]
Haut-commissariat des Nations unies pour les droits de l’homme. 2006. Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées : www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/ConventionCED.aspx [8]
Népal. 2015. Constitution of Nepal 2015 (official English translation by the Ministry of Law, Justice and Parliamentary Affairs of Nepal) : www.constitutionnet.org/vl/item/constitution-nepal-2015-official-english-translation-ministry-law-justice-and-parliamentary [6]


Appel à l’action au Népal : Mode d’emploi pour agir

Pour faire suite à l’étude de cas présentée ci-haut, agissez!
Premièrement, signez et ajoutez votre nom sur la lettre en format modifiable .docx ou la lettre en format .pdf. Ensuite expédiez cette lettre à l’adresse principale indiquée en haut.
Envoyez aussi une copie conforme (C.c.) à l’adresse secondaire.

Destinataire (tarif de la poste au Canada = 2,50$) :
M. Raman Kumar Shrestha, Attorney General
Office of the Attorney General
Ramshah Path, Kathmandu
NEPAL
Courriel : info@attorneygeneral.gov.np
C.c. (tarif de la poste au Canada = 0,85$ en rouleau ou 1,00$ à l’unité) :
M. Kali Prasad Pokhrel, Ambassadeur du Népal au Canada
408, rue Queen
Ottawa (Ontario) K1R 5A7
Courriel : nepalembassy@rogers.com ; eonottawa@mofa.gov.np