Celui qui vit là où des millions de créatures humaines sont soumises à des conditions sous-humaines et pratiquement réduites à l’esclavage, s’il n’est pas sourd, il entendra la clameur des opprimés.
Et la clameur des opprimés, c’est la voix de Dieu.
Celui qui vit dans les pays riches où subsistent toujours des zones grises de sous-développement et de misère, s’il sait encore écouter, il entendra la clameur silencieuse des sans-voix et des sans-espoir.
Et la clameur des sans-voix et des sans-espoir, c’est la voix de Dieu.
Celui qui s’est enfin rendu compte des injustices causées par la mauvaise répartition des richesses, s’il a un peu de cœur, il captera la protestation, silencieuse ou violente, des pauvres.
Et la protestation des pauvres, c’est la voix de Dieu.
Celui qui fait enfin attention aux relations entre pays pauvres et empires capitalistes et socialistes comprendra que, aujourd’hui, les injustices ne se pratiquent plus seulement d’individus à individus, ou de groupes à groupes, mais aussi de pays à pays.
Et la voix des pays victimes de ces injustices, c’est la voix de Dieu.
Pour nous réveiller, Dieu se sert même des révoltes radicales et violentes. Comment ne pas sentir l’urgence d’agir quand on voit des jeunes – sincères dans leur volonté de combattre l’injustice, mais dont les méthodes violentes ne peuvent qu’attirer la répression violente – montrer, en prison et sous la torture, un courage dont il est difficile de croire qu’il n’est alimenté que par une idéologie matérialiste!… Celui qui a des yeux pour voir et des oreilles pour entendre se sent interpellé: comment rester médiocres, quand nous avons notre foi pour nous soutenir ?
Serions-nous sourds au point de ne pas entendre le Dieu d’amour nous alerter devant le danger dans lequel se trouve l’humanité de courir au suicide ? Serions-nous si égoïstement repliés sur nous-mêmes que nous n’entendions pas le Dieu de justice exiger que nous fassions tout pour que les injustices cessent d’asphyxier le monde et de le pousser à la guerre ? Serions-nous aliénés au point de nous offrir le luxe de chercher Dieu, aux heures commodes des loisirs, dans des temples luxueux, dans des liturgies pompeuses et souvent vides, et de ne pas le voir, l’entendre et le servir là où il est, là où il nous attend, et là où il exige notre présence: dans l’humanité, dans le pauvre, dans l’opprimé, dans la victime de l’injustice dont nous sommes, bien souvent, complices ?….
(Helder CAMARA)