« La justice extrême est extrême injustice. »

Juge François Huot, jugement du 8 février 2019 [par. 836]

Cette citation tirée du récent jugement d’Alexandre Bissonnette illustre bien la difficulté humaine de rendre une justice équilibrée qui doit à la fois tenir compte de la gravité de crimes demandant réparation, et de leurs conséquences immédiates comme à long terme sur les victimes et ce, tout en préservant le respect de la dignité inaliénable du condamné.

D’un point de vue chrétien abolitionniste, celui de l’ACAT, la justice recherchée sera à l’image de celle de Dieu même, justice qui transcende l’exigence de sanction et qui s’orientera toujours du côté du pardon, tantôt à donner tantôt à recevoir, témoignage d’amour indéfectible envers tout être humain. Le cri de Jésus en croix : Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font, (Luc 23,34), exprime l’infini de la miséricorde divine, sans limites, pour quiconque faisant ainsi de la croix le signe de la réconciliation et le symbole de sa propre résurrection.

Temps du Carême, de la Passion et de Pâques, ce printemps nous convie à nouveau à cheminer avec Jésus pour délaisser notre désir spontané de vengeance, apprendre à changer notre regard envers les prisonniers et condamnés, et avancer sur le chemin de la justice divine, souffle d’un Esprit de compassion et d’un inlassable pardon.

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PRIÈRE

Que ton règne vienne

Seigneur, tu es le Vivant, tu vis avec nous, tu vis en nous, tu nous donnes ta vie par Jésus-Christ.

Tout se détruit dans ce monde : pourtant tu en fais ton Royaume. Loué sois-tu.

Pour ceux qui ont de la peine à vivre, pour ceux qui n’espèrent que la mort, pour ceux qui naissent et ceux qui meurent, pour ceux qui luttent afin que la vie soit, nous te prions, Seigneur : que ton règne vienne !

Livre de prières de la Société luthérienne, p. 139

TEXTES SACRÉS

Mais la compassion de Dieu est immense, son amour pour nous est tel que, lorsque nous étions spirituellement morts à cause de nos fautes, il nous a fait revivre avec le Christ. C’est par la grâce de Dieu que vous avez été sauvés. Dans notre union avec Jésus-Christ, Dieu nous a ramenés de la mort avec lui pour nous faire régner avec lui dans le monde céleste.

Éphésiens 2, 4-6 (FC)

Jésus dit à ses disciples : « Ne soyez pas inquiets, croyez en Dieu et croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père, il y a beaucoup d’endroits pour habiter… Et, quand je serai allé vous préparer une place, je reviendrai et je vous prendrai avec moi. De cette façon, vous serez vous aussi là où je suis.

Et le chemin qui conduit là où je vais, vous le connaissez […] Le chemin, la vérité, la vie, c’est moi. Personne ne va au Père sans passer par moi.

Jean 14, 1.2a.3-4.6 (FC)

CHANSONS

Dans chaque cœur – Francis Cabrel, musique et paroles

Une colline comme il y en a partout
Quelqu’un a porté une croix et des clous…
Je vous laisse à ces quelques larmes versées
Et des siècles et des siècles pour y penser…
Dans chaque cœur, il y a un printemps caché
C’est le trésor qu’il vous faudra rechercher…

La prière – Georges Brassens / texte de Francis Jammes

Par le petit garçon qui meurt près de sa mère…
Par la soif et la faim et le délire ardent…
Et par l’humiliation de l’innocent châtié…
Par les quatre horizons qui crucifient le monde
Par tous ceux dont la chair se déchire ou succombe
Par ceux qui sont sans pieds, par ceux qui sont sans mains
Et par le juste mis au rang des assassins…

Jésus, que ma joie demeure – J.S. Bach BVW 147

Ô Jésus, ô tendre Maître, / Nous voici tous devant Toi!
T’implorant de tout notre être, / Viens nous enseigner ta loi.
En ce monde où tout nous lasse, / Mais du Ciel, Tu es venu!
Et nous savons que ta grâce / Nous apporte le salut.

À PROPOS DE VENGEANCE

La vengeance est le thème d’un des plus célèbres romans d’Alexandre Dumas. Edmond Dantès, injustement emprisonné, réussira à s’évader puis, en découvrant un trésor, à se refaire une nouvelle vie sous le nom du Comte de Monte-Cristo. Le livre (ou le film) nous fait témoin de sa vengeance, aussi brillamment construite que cruelle, envers ceux qui l’ont condamné au bagne.

Qui n’a pas eu envie, à un moment ou un autre, de se venger ? Qui n’a pas souhaité le malheur d’un rival, d’un opposant, de quelqu’un qui nous a spolié? Où se situe le juste, la personne qui a subi le tort, face à ce désir de vengeance à l’égard de celle qui l’a perpétré?

Il est normal d’éprouver une amère déception lorsqu’un individu nous trahit, ou qu’une situation tourne en défaite ou en échec à cause d’un autre. On voudrait bien qu’une sanction soit proportionnelle à la douleur ressentie : plus la sanction est lourde, plus la vengeance serait assouvie? Prenons deux exemples: Raïf Badawi méritait-il 1000 coups de fouets et dix ans d’emprisonnement pour avoir formulé des commentaires que le gouvernement saoudien n’aimait pas? Alexandre Bissonnette, le tueur de la Mosquée de Québec, aurait-il mérité 150 ou 25 ans d’emprisonnement pour ses six meurtres et plusieurs victimes blessées physiquement ou psychologiquement alors que le juge lui a attribué 40 ans? Entre ces deux extrêmes, où se situe notre quotidien?

RÉFLEXIONS

  • Quelle est ma conception de la justice ? Lorsqu’une idée de vengeance m’envahit, qu’elle en est la racine et de quelle nature est alors ma réaction ? Peut-on à la fois exprimer de la sollicitude pour la victime et de la compassion pour le criminel ? Quels exemples de pardon ai-je vécus ?
  • En quoi ces expériences me rendent-elles davantage solidaire de tous les affligés, particulièrement des personnes torturées et des condamnées à mort ?
  • Quels extraits des textes, des chansons ou des prières me rejoignent ?
  • En quoi ces extraits peuvent-ils soutenir mon engagement à l’ACAT?

PROLONGEMENTS POSSIBLES

PRIÈRE

Je parlerai

Seigneur, aujourd’hui encore, donne-moi de parler la langue de ton amour pour ceux que l’on bat, ceux que l’on étouffe, ceux que l’on torture, ceux que l’on exploite.

Donne-moi de parler pour les traqués, les déportés, les non-jugés, les détenus, les sans défense, les exclus.

À cause de ton Fils, tu m’appelles à parler : donne-moi la force de parler pour ces milliers d’êtres morts, pour ceux que l’on destine à la rage et à la haine.

Tu m’appelles à parler car tu as horreur de la violence, tu as horreur de la calomnie, tu as horreur de la haine. Tu m’appelles à parler car tu aimes l’homme.

Tu m’appelles, avec mes frères et sœurs, à parler la langue de ton amour jusqu’aux confins des mers et des nuits, afin que le jour vienne.

Thomas Rahandraha in Livre de prières, Société luthérienne, page 145

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En contemplant la passion de Jésus, notre Sauveur, nous supplions :

Pour ceux que la tristesse accable souviens-toi de ton agonie.

R/ Ô Jésus, notre Sauveur !

Pour ceux qui sont blessés dans leur chair, souviens-toi de tes tortures. R/

Pour ceux qui souffrent la dérision, souviens-toi de la couronne d’épines. R/

Pour ceux qui désespèrent de la vie, souviens-toi de ton cri vers le Père. R/

Pour ceux qui meurent aujourd’hui, souviens-toi de ta mort sur la croix. R/

Pour ceux qui espèrent contre toute espérance, que resplendisse ta résurrection.

Bénis, sois-tu, Père : tu as exaucé le cri de ton Fils aux jours de sa chair ; tu exauceras aussi l’immense clameur de ceux qui souffrent et que Jésus te présente aujourd’hui par nos lèvres : tous les hommes alors te glorifieront dans les siècles.

Office des vêpres de la Liturgie des heures


Comité Solidarité Prière : F. Delorme, D. Fortin, R. Labbé, J.-M. Laforest.

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