Cas étudié par Laïla Faivre.

Le gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) viennent de signer un Accord de paix historique le 24 août 2016, marquant ainsi la fin officielle des pourparlers menés depuis quatre ans à La Havane [1]. Ces négociations pour la paix avaient notamment franchi un cap décisif en concluant le 15 mai 2016 une entente afin que les enfants de moins de 15 ans puissent quitter les forces armées [2].

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Selon un rapport des Nations Unies de 2016 [3], la Colombie figure sur la liste noire des pays exploitant les enfants soldats. En effet, le pays détient le triste record du plus grand nombre d’enfants soldats, avec environ 14 000 enfants engagés dans les rangs de groupes politiques armés et de groupes paramilitaires [4]. Face au conflit qui persiste dans le pays depuis plus de 50 ans, les enfants colombiens sont les premières victimes des combats qui sévissent sur une grande partie du territoire. En plus de subir les violences et les ravages du conflit, ils se retrouvent, dans de nombreux cas, enrôlés de gré ou de force par les groupes armés : ceux de l’État comme des rebelles. Ces enfants exploités lors de conflits armés sont avant tout des victimes qui se retrouvent réduites à la servilité : ils sont violentés, abusés sexuellement, exploités, blessés, il arrive aussi souvent que des enfants soient exécutés pour avoir refusé de s’enrôler dans un groupe armé. Parmi tous les supplices que ces enfants peuvent subir, ils sont surtout privés de leur famille, de leur droit à l’éducation comme de leur enfance, et subissent les lourdes conséquences physiques et psychologiques de cet enrôlement quand ils en ressortent vivants.
Dans le cadre de sa mission d’observation en 2009, le Comité contre la torture des Nations unies a déclaré être très préoccupé par cette exploitation des filles et des garçons colombiens. Le Comité constate notamment que ces enfants continuent d’être recrutés et utilisés par des groupes armés illégaux, comme par les forces publiques, que ces enfants démobilisés ne reçoivent pas une assistance suffisante pour assurer leur réinsertion et leur réadaptation physique et psychologique.
Dans ce rapport, le Comité dénonce tout particulièrement les situations de détention des enfants soldats. En effet, le constat est que le degré de protection diffère selon que les enfants démobilisés appartenaient à la guérilla ou à d’autres groupes armés illégaux. Même quand ils sont capturés par les agents de la force publique, ils ne sont pas toujours remis aux autorités civiles dans le délai légal de trente-six heures. Le Comité s’inquiète également que les agents de la force publique se servent d’enfants à des fins de renseignement, occupent des écoles dans les zones de conflit et organisent des journées civiques militaires dans des établissements scolaires de tout le pays [5].
La conscription pratiquée auprès de mineurs n’est pas reconnue comme condamnable au niveau international, car la prohibition porte sur le recrutement des jeunes de moins de 18 ans dans le cadre de leur participation à un conflit armé. On peut citer le cas du Royaume-Uni ainsi que du Canada qui pratique légalement le recrutement volontaire des jeunes recrues dès l’âge de 15 ans. Ce qui est condamnable, c’est l’enrôlement d’enfant mineur dans le but de les faire participer aux hostilités au même titre qu’un adulte. Cette séparation avec la famille crée une rupture et un traumatisme chez l’enfant. Le fait de soustraire ces enfants de leur environnement d’amour fraternel pourrait constituer une forme de torture morale. Ils ne sont plus considérés comme des enfants, mais comme des soldats : leur enfance est volée pour servir les intérêts des adultes et ainsi devenir acteurs et témoins des horreurs de la guerre. Ils sont réduits à l’état de victimes instrumentalisées par des adultes sans scrupules en quête de victoires et de pouvoir. C’est ce qui est défendu par Jean Asselborn, ministre luxembourgeois des Affaires étrangères et président du groupe de travail du Conseil de sécurité des Nations unies sur le sort des enfants soldats en temps de conflit armé, selon lui: « lorsqu’on les force à prendre part aux hostilités, lorsqu’on les oblige à devenir des instruments de guerre, les droits les plus fondamentaux des enfants sont violés : leurs droits à la vie, à la santé et à l’éducation, ainsi que leur droit à la protection contre la violence physique ou mentale » [6].

Contexte historique

Depuis 1964, des forces de guérilla se sont constituées et continuent toujours leur combat contre le gouvernement colombien. Les plus anciennes de ces forces sont les Forces armées révolutionnaires de Colombie – Ejercito del Pueblo (FARC-ECP) et l’Armée nationale de libération (ELN). C’est en 1996 que le gouvernement colombien fixe l’âge minimum d’entrée dans les forces armées à 18 ans. En réaction à cela, l’ELN a signé un accord en 1998 avec le National Peace Council, l’engageant à ne pas recruter d’enfants de moins de 16 ans. De leur côté, les FARC-ECP s’engagent en 1999 auprès du Représentant spécial pour les enfants et les conflits armés à fixer l’âge minimum de recrutement à 15 ans.
Mais en réalité, le recrutement n’a pas cessé et le gouvernement va même jusqu’à organiser des campagnes de recrutement et des formations militaires dans les écoles. Aucune institution de Colombie ne dispose de renseignements précis sur le nombre de mineurs impliqués dans le conflit armé, mais ce sont les données de 2008 de l’organisation Human Rights Watch qui estiment qu’il y a entre 8 000 et 11 000 enfants dans des groupes armés. D’après un rapport de l’UNICEF, l’âge moyen du recrutement en 2006 était de 12 ans et 8 mois. La même année, le Comité des droits de l’enfant a affirmé que les forces armées nationales recrutaient aussi des enfants pour collecter des renseignements, ce qui les expose souvent à la vengeance des groupes armés [7].

Droit international

Le gouvernement colombien est conscient depuis longtemps que la situation est grave. Pour tenter de mieux protéger les droits des enfants, il a signé une série de traités internationaux : la Convention relative aux droits de l’enfant, le 18 janvier 1991; le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits des enfants concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 25 mars 2005; la Convention sur les pires formes de travail des enfants, le 25 janvier 2005; et la Convention contre la torture, le 8 décembre 1987.
Dans un tel contexte, l’ACAT Canada vous propose d’interpeller les autorités colombiennes pour demander l’application des textes internationaux, et obtenir que les responsables soient poursuivis afin de briser le cercle vicieux de l’impunité dont bénéficient les auteurs de violations graves des droits de la personne.

Sources

ACAT France. 2016. Accord de paix final en Colombie : la première marche est franchi. http://www.acatfrance.fr/communique-de-presse/accord-de-paix-final-en-colombie—la-premiere-marche-est-franchie [1]
Actu Latino. 2016. Colombie : des enfants-soldats de moins de 15 ans vont être démobilisés de la guérilla des FARCS. http://www.actulatino.com/2016/05/17/colombie-les-enfants-soldats-de-moins-de-15-ans-vont-etre-demobilises-de-la-guerilla-des-farc/ [2]
Amnesty jeunes. 2013. Enfants-soldats de Colombie : le recrutement continue. http://jeunes.amnesty.be/jeunes/nos-campagnes/enfants-soldats/a-voir-a-lire/les-enfants-soldats-par-pays-region/amerique-latine/article/enfants-soldats-de-colombie-le-recrutement-continue [4]
Comité contre la torture. 2009. Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 19 de la Convention. Colombie. http://tbinternet.ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CAT/C/COL/CO/4&Lang=Fr  [5]
RFI Afrique. 2016. Des milliers d’enfants-soldats toujours impliqués dans les guerres. http://www.rfi.fr/afrique/20160212-enfants-soldats-impliques-trentaine-conflits-daech-syrie-soudan-onu-reinsertion [7]
Secrétaire général de l’ONU. 2016. Le sort des enfants en temps de conflit armé.  http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/70/836&Lang=F&Area=UNDOC [3]
Unicef Canada. 2014. Le recrutement et l’utilisation d’enfants dans les forces gouvernementales lors de conflits doivent cesser.  http://www.unicef.ca/fr/press-release/le-recrutement-et-l%E2%80%99utilisation-d%E2%80%99enfants-dans-les-forces-gouvernementales-lors-de-con [6]