Qui sont les Artistes pour la paix et qu’est-ce qui vous a poussé à en faire partie ?

Tout au long du XXe siècle, qui a vu tant de guerres, des artistes ont manifesté leur désir de paix. Par exemple Shostakovich avec sa cinquième symphonie ou Picasso avec son tableau Guernica. Au Québec, Gilles Vigneault, Raoul Duguay et d’autres se sont mobilisés en réaction à la guerre du Viet Nam, la course aux armements dans l’interminable « guerre froide » entre l’URSS et les États-Unis et la lutte contre la prolifération des armes nucléaires. Pour ma part, je m’y suis impliqué depuis en contribuant par mes écrits (articles, livres, conférences) et par mes œuvres artistiques (peinture et poésie).

En quoi la foi inspire-t-elle votre démarche artistique et militante ?

Il y a dans notre mouvement aussi bien des athées ou des agnostiques que des croyants. On ne peut pas dire que la foi est importante pour la démarche du groupe, mais elle l’est pour certaines personnes du groupe, dont moi, pour qui les Écritures contiennent des textes remarquables et inspirants sur la paix.

Comment décririez-vous brièvement ce qu’est le pacifisme ? Quelle est l’origine de ce mouvement ?

Le pacifisme affirme que, devant les conflits que connaît notre monde, il est préférable de trouver des solutions relevant du dialogue diplomatique et de la négociation plutôt que de l’intervention armée, ce qui serait un formidable levier de changement dans les relations entre nations. Comme principe de base, nous adoptons le droit pour tout être humain de vivre en paix. La guerre étant toujours destructrice, c’est le droit fondamental à la vie que nous voulons protéger.

Historiquement, nous n’avons qu’à évoquer les campagnes axées sur la non-violence du Mahatma Gandhi ou de Martin Luther King pour voir que cela peut fonctionner.

Selon votre philosophie, y a-t-il une place pour les forces armées ?

Nous pensons qu’il y a effectivement un rôle à jouer pour les forces armées, mais nous sommes outrés par la militarisation outrancière des conflits à laquelle existe une alternative. Le déploiement de forces armées ne devrait se faire selon nous que dans le cadre de la charte de l’ONU, donc dans des situations où le maintien de la paix ne pourrait être obtenu autrement. Rappelons-nous le rôle significatif sur le plan international des « casques bleus » créés par le gouvernement de Lester B. Pearson. Dans beaucoup de situations, l’armée peut jouer le rôle de protection civile.

Quels sont les dossiers d’actualité qui préoccupent votre mouvement ?

L’Ukraine, évidemment ! Voilà l’exemple parfait de militarisation injustifiée ou, selon notre optique, justifiée par la propagande, tant du côté de la Russie que de celui de l’OTAN. Cette propagande veut nous faire oublier que ce conflit aurait pu être évité si on avait voulu lui trouver une solution diplomatique. Aussi, devant le jeu dangereux de Poutine, nous continuons à militer pour l’élimination de tout arsenal nucléaire.

Sur quelles assises juridiques ou autres votre approche se base-t-elle ?

Comme mentionné plus haut, nous nous appuyons au premier chef sur les prises de position de l’ONU pour la culture de la paix, concept développé dès le début du XXe siècle, mais adopté en 1998 seulement. Depuis, l’UNESCO cherche à diffuser cette culture porteuse aussi bien de justice sociale que de développement durable. Quel changement ce serait si on consacrait à ces deux causes les dépenses militaires injustifiables des nations !

Quelles stratégies adoptez-vous ? Avec quels résultats ?

En premier lieu, par la promotion de manifestations artistiques pour la paix. Nous cherchons aussi à éveiller un esprit critique dans l’opinion publique, que ce soit par des lettres ouvertes dans les médias, des démarches auprès des élu.es, par exemple. Nous prenons aussi part à des manifestations, comme ça été le cas le 24 février prochain à Montréal. De concert avec le mouvement Échec à la guerre, nous y dénoncerons la militarisation du conflit en Ukraine.

Pour faire le lien avec la mission de l’ACAT, en quoi le fait de militer pour la paix peut-il réduire la torture et les mauvais traitements dans le monde ?

Pour dire les choses comme elles sont, une guerre sans actes de torture, ça n’existe pas ! Pas plus qu’une dictature sans torture ! Les tortures s’invitent toujours dans ces situations, la plupart du temps pour identifier des ennemis, chercher à découvrir les stratégies de l’ennemi ou tout simplement pour atteindre des civil.es des forces opposées afin d’ajouter à la terreur et d’affaiblir le moral des troupes adverses et des civil.es. Aux diverses gammes d’horreur s’ajoute le viol des femmes du camp ennemi comme stratégie d’humiliation et de destruction de l’Autre jusque dans son intimité.
Malheureusement, lors d’un conflit armé, cette dimension reste trop souvent un visage « caché » parmi les horreurs de la guerre. Dans la plupart des guerres entre pays, entre blocs politiques ou dans une guerre interne, ces atrocités sortent après la fin de la guerre. Dans bien des cas, hélas, nombre de responsables politiques s’en tirent en toute impunité ; en fait, les troufions de la base et/ou sous-officiers paient souvent pour ceux qui les ont mandatés à mettre les stratégies de torture en place.

Bref, les guerres créent un terreau fertile pour utiliser la torture, que c’est pour faire taire, pour faire parler, pour intimider ou pour humilier.

Propos recueillis par Richard Guay, membre du CA