La violence conjugale et familiale a augmenté au Québec et partout où la crise sanitaire a imposé un confinement. Aujourd’hui, nous voyons concrètement le contrecoup des mesures rendues nécessaires en raison de la pandémie. Au Québec, la moyenne de féminicides est de 12 par an. Au moment d’écrire ces lignes, à la mi-avril 2021, 10 féminicides ont déjà été confirmés depuis janvier.
Vous pouvez agir
Signez la pétition en ligne : chng.it/gKSnLNqJJv
Lettre d’action :
La liste s’allongera après la publication de cet article – nous atteignons déjà le cap annuel. Portons dans nos prières Elisapee Angma, Nancy Roy, Marly Edouard, Rebekah Harry, Myriam Dallaire, Sylvie Bisson, Carolyne Labonté, Nadège Jolicœur, Kataluk Paningayak, Dyann Serafica-Donaire et celles qui viendront malheureusement [1]… Des mères, des grand-mères, de jeunes conjointes, des sœurs, des filles, des collègues, ces victimes laissent derrière elles le goût amer de la violence faite aux femmes. Les effets de l’isolement imposé en contexte de pandémie commencent à se manifester.
Et pourtant, le gouvernement tente de combattre ce fléau avec des publicités télévisées et planifie d’autres mesures. En effet, la vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault affirme : « Notre cœur se brise chaque fois en pensant à ces femmes et à leurs proches. Nous avons un plan en réponse à l’urgence, qui sera annoncé bientôt. Restons attentifs aux signaux, sauvons les femmes » [2]. « Annoncé bientôt »… mais ce sera peut-être trop tard pour certaines. Les millions accordés aux maisons d’hébergement [3] n’aideront pas à éradiquer le problème qui demande plus de soutien aux survivantes, celles qui souffrent avant de demander de l’aide, parce que cette aide n’existe pas, parce qu’elles ont peur, parce qu’elles ont honte.
Les féminicides cachent une violence invisible qui sévit dans bon nombre de foyers. Avant d’en arriver là, ces meurtriers étaient des conjoints aimés qui abusaient parfois de ces femmes maintenant disparues en les agressant psychologiquement et physiquement. La majorité ne dénonce pas les violences subies. Le problème est donc plus répandu qu’on ne le pense. Et il affecte non seulement les conjointes, mais aussi leur entourage, et surtout les enfants [4]. En fait, « la violence domestique comprend un large éventail de comportements abusifs, allant de la négligence coupable et du comportement abusif, coercitif ou excessivement dominateur visant à isoler, humilier, intimider ou soumettre une personne, à diverses formes de violence physique, d’atteinte sexuelle et même de meurtre. En termes d’intentionnalité, de fin et de gravité de la douleur et des souffrances infligées, la violence domestique est souvent assimilable à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (également désignés “torture et mauvais traitements”) » [5].
Tellement répandue, la violence familiale se compare à la guerre : « En termes d’ampleur et de gravité, la violence domestique est l’une des principales sources d’humiliation, de violence et de mort dans le monde, et elle fait autant de victimes que les conflits armés » [6]. Selon un sondage sur la violence dans le monde, 18 % des homicides violents étaient dû à des conflits armés, tandis que 16 % étaient des féminicides [7].
Les Nations unies considèrent la violence conjugale comme de la torture, dans la mesure où le gouvernement en est complice, même par inaction : « Dans le contexte de la violence domestique, il est particulièrement important de faire la distinction entre l’analyse matérielle qui indique si la violence domestique est assimilable à de la torture et à des mauvais traitements au sens générique de ces termes en droit international, et l’analyse attributive de la manière dont l’État peut être tenu responsable de son implication dans la violence domestique, y compris son incapacité à prendre les mesures appropriées contre la violence domestique » [8]. Toutefois, « la torture et les mauvais traitements peuvent revêtir de nombreuses formes, mais ils impliquent toujours essentiellement une violation de l’intégrité physique, mentale ou émotionnelle qui est contraire à la dignité humaine » [9].
Le Réseau des répondantes diocésaines pour la condition féminine du Québec [10] lance l’alerte pour que le gouvernement mette en œuvre un programme facilitant la dénonciation de même que la guérison de la victime. Une des manières les plus simples serait d’appliquer les recommandations des spécialistes. Rappelons qu’un rapport d’experts a été publié en décembre 2020 : Rebâtir la confiance [11]. Finalement, suivre ces quelques recommandations parmi 200 autres, permettrait au moins de changer les choses profondément :
- offrir aux victimes un accompagnement continu par un intervenant stable, qu’elles choisissent ou non de dénoncer le crime ou de judiciariser leur situation ;
- permettre aux victimes d’accéder à des conseils juridiques gratuits dès la dénonciation ;
- agir de manière préventive et élaborer une offre de services de qualité pour les auteurs de violence ;
- concevoir des formations spécialisées en matière d’agressions sexuelles et de violence conjugale pour les intervenants médicaux et psychosociaux/judiciaires, les policiers, les avocats, les procureurs et les juges.
Madame la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, nous demandons de l’aide.
Parce que la situation empire sans cesse.
Sources
Chouinard, Tommy. 2021. Plus de places et de postes dans les maisons d’hébergement. La Presse. https://www.lapresse.ca/actualites/2021-04-23/violence-conjugale/plus-de-places-et-de-postes-dans-les-maisons-d-hebergement.php [3]
Faculté de droit, Université Laval. 2020. Dépôt du rapport du Comité d’experts sur l’accompagnement des victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale. https://www.fd.ulaval.ca/actualites/rapport-rebatir-la-confiance-2020 [11]
Marin, Stéphanie. 2021. L’Observatoire des tout-petits redoute la maltraitance. La Presse. https://www.lapresse.ca/actualites/2021-04-27/consequences-de-la-pandemie/l-observatoire-des-tout-petits-redoute-la-maltraitance.php [4]
Melzer, Nils ; ONU. 2019. Rapport du Rapporteur spécial sur la torture au Secrétaire général (A/74/148). [5] [6] [8] [9]
Ouellette-Vézina, Henri. 2021. Un dixième féminicide en 2021 au Québec. La Presse. https://www.lapresse.ca/actualites/justice-et-faits-divers/2021-04-17/corps-retrouves-a-mercier/un-dixieme-feminicide-en-2021-au-quebec.php [1] [2]
Réseau des répondantes diocésaines à la condition des femmes. 2021. Communiqué : Sonner le glas, prier et agir contre la violence faite aux femmes. https://acatcanada.ca/20210329_ces_rrdcf_communique_feminicides/ [10]
Small Arms Survey. 2017. Global Violent Deaths 2017: Time to Decide. http://www.smallarmssurvey.org/fileadmin/docs/U-Reports/SAS-Report-GVD2017.pdf [7]