En 2019, l’ONU a fait du 22 août la Journée internationale de commémoration des personnes victimes de violences en raison de leur religion ou convictions. La première de cette nouvelle Journée mondiale a été relayée au second plan de l’actualité en raison de la pandémie. En tant qu’organisme de la société civile, l’ACAT doit maintenant répondre à l’invitation de l’ONU qui « souligne qu’il est essentiel de mener une action préventive globale au niveau local, en y associant l’ensemble des parties concernées, y compris la société civile et les communautés religieuses, fussent-elles représentantes de minorités » [1].

Que ce soit la Déclaration universelle des droits de l’homme ou la Charte canadienne des droits et libertés, toutes les personnes ont le droit à la liberté de religion et de convictions. Le champ d’action en lien avec cette Journée mondiale est si vaste qu’il implique de lutter contre toutes formes d’intolérance. Nous décrirons brièvement différents mécanismes d’intolérance, pour ensuite voir qui les utilise. Nous pourrons ensuite exposer les moyens de réagir de l’ACAT Canada.

L’intolérance en action

L’intolérance peut être diffuse dans une société et s’exercer par des individus ou des groupes sociaux. Dans ce contexte sévissent diverses formes d’intimidation ou de discrimination comme l’islamophobie, l’homophobie, l’antisémitisme ou le racisme, pour ne nommer que ceux-là. Nous reviendrons plus loin sur ces déplorables phénomènes qui n’épargnent pas le Québec.

D’autres formes d’intolérance s’exercent par des institutions. Nous devons alors parler de mécanismes de répression. Dans la panoplie des moyens utilisés pour ce faire, on dénombre l’oppression, la persécution, la violence policière, la suppression des droits civiques, la torture et les disparitions forcées. Les cas extrêmes nous obligent à faire appel à la notion de génocide.

Bref tour d’horizon

Sans être exhaustif ni être l’œuvre d’un spécialiste, un bref tour d’horizon des situations déplorables dont les médias nous ont entretenus ces derniers temps s’impose.

Pour commencer par l’Asie, des manifestions prodémocratiques à Hong-kong furent vivement réprimées par les autorités chinoises et, parvenant à tenir loin des projecteurs de l’actualité l’oppression des Tibétains et des chrétiens, ce même régime exerce, depuis 2017 surtout, ce qui a toutes les apparences d’un génocide à l’endroit des Ouïghours. Non loin de là, une autre communauté musulmane, les Rohingyas du Myanmar, souffre d’intolérance si brutale qu’elle fut qualifiée elle aussi de génocide en 2018 [2]. En Inde, l’idéologie du gouvernement Modi fait bomber le torse de l’hindouisme vis-à-vis tout ce qui lui est étranger, malmenant ainsi les minorités musulmanes et chrétiennes. Avant de quitter ce continent, mentionnons que selon l’ONG Portes ouvertes, la Corée du Nord est l’endroit où il est le plus dangereux de vivre pour des chrétiens.

La même organisation estime que tous les pays du monde arabe exercent à l’endroit des chrétiens une persécution qui varie de forte à extrême. En Égypte, les chrétiens coptes, qui constituent environ 10 % de ses 100 millions d’habitants, sont régulièrement pris à partie par des groupes djihadistes. En Irak, c’est une Église éplorée qui a accueilli le pape François en mars dernier. Autre minorité émaciée, les juifs irakiens ne se comptent plus que sur les doigts d’une seule main [3]. La Turquie du Président Erdogan a consterné les chrétiens du pays par sa décision de transformer la basilique Sainte-Sophie en mosquée. En Syrie, des djihadistes venus de partout dans le monde tentent depuis une décennie de renverser le gouvernement laïc de Bachar el-Assad et s’en prennent aussi aux chrétiens syriaques. Selon l’organisme Aide à l’Église en détresse, 200 églises et 3 000 écoles chrétiennes ont été détruites. Comment ne pas évoquer la Tunisie où germa le mouvement des peuples que fut le Printemps arabe ? Les espoirs de liberté et de démocratie y ont vite fait place à l’arrivée au pouvoir de l’islamisme radical, à la persécution des minorités et à de sévères formes de répression.

L’État d’Israël, enclavé dans ce monde arabe, a provoqué depuis son origine d’incessants conflits dont l’intensité est au paroxysme ces jours-ci. Bien que ceux-ci présentent plusieurs aspects, la dimension religieuse n’est pas à négliger. Ainsi, c’est un raid d’une escouade de policiers israéliens entrée dans la mosquée Al-Aqsa, à Jérusalem, pour interrompre la prière du premier jour du ramadan, qui a mis le feu aux poudres le 13 avril dernier. En Israël même sévit une ségrégation que de plus en plus d’analystes comparent à un régime d’apartheid.

En Afrique subsaharienne, le groupe islamiste Boko Haram fait régulièrement les manchettes par ses enlèvements de jeunes filles à qui il ne reconnaît pas le droit d’être scolarisées.

L’Amérique centrale souffre également, comme en fait foi cet exode massif de réfugiés désireux d’atteindre les États-Unis. Le Honduras est l’endroit le plus dangereux où vivre pour les défenseurs des droits humains, notamment en raison de l’activité des gangs. Ce pays est considéré comme le plus violent au monde et sa capitale économique San Pedro Sula comme la ville la plus dangereuse [4].

Ces derniers temps, plusieurs manifestations d’intolérance ont fait les manchettes des médias canadiens ainsi que d’écrits dans le Bulletin de l’ACAT ou dans l’infolettre, au nombre desquelles l’islamophobie, l’homophobie, le racisme envers les Autochtones et les personnes de race noire et le sexisme dont la forme extrême est le féminicide.

Moyens d’action

L’invitation que l’ONU adresse à la société civile interpelle l’ACAT Canada et l’encourage à poursuivre son action. Nous devons continuer à jouer un rôle positif dans la lutte contre la haine et l’incitation à la violence religieuse. C’est dans cette optique que dès que les conditions sanitaires le permettront, nous pourrons reprendre nos ateliers d’éducation aux droits humains en milieux communautaire, religieux et scolaire. Ces séances permettent à la fois de communiquer des informations essentielles au renforcement de la démocratie et de lutter contre l’intolérance religieuse tout en favorisant ainsi un dialogue interreligieux, interconfessionnel et interculturel ouvert, constructif et respectueux.

Sources

Gouvernement du Canada. 2021. Réponse du Canada à la crise des Rohingyas au Myanmar et au Bangladesh. www.international.gc.ca/world-monde/issues_development-enjeux_developpement/response_conflict-reponse_conflits/crisis-crises/myanmar.aspx [2]

International Security Sector Advisory Team (ISSAT). 2015. Gangs in Honduras. issat.dcaf.ch/sqi/Learn/Resource-Library/Policy-and-Research-Papers/Gangs-in-Honduras [4]

Le Devoir. 2021. En Irak, les juifs ne se comptent plus que sur les doigts d’une seule main. www.ledevoir.com/societe/597804/moyen-orient-en-irak-les-juifs-ne-se-comptent-plus-que-sur-les-doigts-d-une-seule-main [3]

ONU. 2021. Site Web de la Journée internationale de commémoration des personnes victimes de violences en raison de leur religion ou convictions. www.journee-mondiale.com/576/journee-internationale-de-commemoration-des-personnes-victimes–de-violences-en-raison-de-leur-religion-ou-convictions.htm [1]