Le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) permet à des personnes migrantes d’entrer dans le territoire canadien pour travailler. Cependant, les conditions de travail ne sont pas toujours respectées.Tomoya Obokata, Rapporteur spécial de l’ONU sur les formes contemporaines d’esclavage, estime dans son rapport du 22 juillet dernier que 94% respectent les normes, alors qu’une minorité commet « toutes sortes d’abus : versement partiel du salaire, confiscation de salaires, violences physiques, psychologiques et verbales, horaires de travail excessif, périodes de pause limitées, activités sortant du cadre contractuel, fonctions d’encadrement non rémunérées, absence d’équipement de protection individuelle,confiscation de documents d’identité. Aussi, des femmes ont signalé des cas de harcèlement, d’exploitation et de violence sexuels».


Vous pouvez agir

Lettre d’action :


Pour qu’un employeur puisse bénéficier du PTET, il doit d’abord réaliser une étude d’impact sur le marché du travail afin de démontrer qu’aucun employé local n’est disponible pour l’emploi offert. Il doit ajouter au coût de cette étude les frais pour faire venir la main-d’œuvre de l’étranger, ce qui représente plusieurs centaines de dollars par employé. Dès lors, ce travailleur étranger est soumis à un contrat fermé où il est à la merci de ce seul employeur.

Du total des employeurs bénéficiant du PTET, le rapporteur estime que 94% respectent les normes, alors qu’une minorité commet « toutes sortes d’abus : versement partiel du salaire, confiscation de salaires, violences physiques, psychologiques et verbales, horaires de travail excessif, périodes de pause limitées, activités sortant du cadre contractuel, fonctions d’encadrement non rémunérées, absence d’équipement de protection individuelle,confiscation de documents d’identité. Aussi, des femmes ont signalé des cas de harcèlement, d’exploitation et de violence sexuels»[1]. Dans ces cas d’abus, dont plusieurs contreviennent au Code criminel, les travailleurs n’ont le choix qu’entre endurer leur situation ou être retournés dans leur pays.

Il faut ajouter que nombre de ces travailleurs ont pour employeur des agences qui rendent leurs conditions plus pénibles encore. Ainsi, l’équipe du documentaire « Essentiels »[2] a pu témoigner à l’aide de caméras cachées que dès cinq heures du matin, des travailleurs étrangers temporaires s’agglutinent près d’une station de métro pour qu’un camion vienne les chercher, sans savoir d’avance s’ils aboutiront dans un champ ou dans un CHSLD.

Le Canada soigne son image

À la lecture du Rapport Obokata, on remarque une dissonance entre l’image que projette le Canada à l’international et celle d’ordre domestique. Expliquons.

Le rapport note qu’à l’international, « le Canada est un partenaire de l’Alliance 8.7, partenariat qui vise à promouvoir la réalisation effective de la cible 8.7 des objectifs de développement durable, au titre de laquelle les États sont invités à éliminer les formes contemporaines d’esclavage à l’horizon 2030 »[3]. Aussi, « en 2022, le Canada a lancé une stratégie quinquennale pour la conduite responsable des entreprises à l’étranger »[4]. Enfin, « en mai 2023, le Parlement canadien a adopté la loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement (loi sur les chaînes d’approvisionnement), qui est entrée en vigueur en 2024»[5]

Au niveau domestique, l’image du Canada est moins reluisante, car si le PTET est possible, c’est que le gouvernement canadien « n’a pas ratifié la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, ni le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants »[6], pas plus que «la Convention de 1981 sur la sécurité et la santé des travailleurs et la Convention de 1969 sur l’inspection du travail (agriculture)»[7]. Pourtant, dès l’an dernier, nos parlementaires ont été sensibilisés à cette cause par le visionnement du documentaire-choc « Essentiels »[8].

Que faire?

Plusieurs intervenants réclament que les travailleurs étrangers temporaires puissent bénéficier du statut de résidents permanents car, après tout, ils répondent à un besoin permanent. Au Canada, le statut de résident permanent permet de travailler n’importe où au pays. Du coup, le contrat de travail fermé et l’obligation de renouveler un visa temporaire cessent. À ces avantages s’ajoutent l’accès aux études à moindre coût, à la sécurité sociale et aux prêts hypothécaires. Les résidents permanents peuvent aussi parrainer des membres de leur famille et soumettre leur demande de citoyenneté, ce qui leur accorderait le droit de vote[9]. Voilà le statut que réclame le Rapporteur spécial de l’ONU, plaidoyer partagé dans le documentaire « Essentiels » et par le Réseau d’aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec (RATTMAQ)[10] qui a présenté un dossier à cet égard devant la Commission des droits de la personne.

Dans le cas particulier du Québec, qui a le pouvoir de choisir les immigrants qu’il accepte, c’est un parcours du combattant qui attend les travailleurs étrangers temporaires. Ils devraient d’abord se qualifier pour le Programme d’expertise québécoise (PEQ), qui nécessite un diplôme d’études collégiales, ce qui est hors d’atteinte pour eux, sauf de rares exceptions. Ils devraient ensuite obtenir le Certificat de sélection du Québec (CSQ) pour être reçus comme immigrants, tout ceci avant d’entamer leur processus vers la résidence permanente. De plus, depuis le premier mandat de la CAQ, le gouvernement québécois s’est exclu du programme fédéral permettant leur transition vers la résidence permanent. Pourtant, Ottawa est prêt à coopérer, comme il l’a fait avec d’autres provinces.

Appel à l’action

Puisque l’immigration est une compétence partagée entre les gouvernements canadien et québécois, vous pouvez écrire à la Ministre Christine Fréchette et au Ministre Marc Miller pour demander le statut de résident permanent pour ces travailleurs.

[1] Paragraphe 28 du Rapport du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, sur sa visite au Canada

https://documents.un.org/doc/undoc/gen/g24/120/98/pdf/g2412098.pdf

[2] Ce documentaire est disponible sur le site de Télé-Québec. Voir https://video.telequebec.tv/details/42660

Il est accompagné d’une balado en quatre épisodes. Voir https://video.telequebec.tv/details/42717

[3] Paragraphe 5

[4] Paragraphe 11

[5] Paragraphe 12

[6] Paragraphe 4

[7] Paragraphe 5

[8] Essentiels, documentaire-choc sur l’immigration au Québec, présenté au Parlement d’Ottawa https://ctvm.info/essentiels-documentaire-choc-sur-limmigration-au-quebec-presente-au-parlement-dottawa/

[9] Eddy Ramirez, avocate spécialisée en immigration, Les sept principaux avantages de la résidence permanente au Canada, https://fr.immilandcanada.com/poste/avantages-résidence-canada

[10] https://rattmaq.org/