Manifeste d’un monde libre

Dans un monde libre :
nul ne serait réprimé ;
nul ne craindrait pour ses droits ;
nul ne se tairait ;
nul ne subirait de violence pour s’être exprimé,
par ceux qui sont censés nous protéger de celle-ci.
Nul ne disparaîtrait ;
nul ne souffrirait injustement ;
nul gouvernement n’emprisonnerait,
ne ferait disparaître
ou ne ferait taire ceux qui exercent leurs droits.
Dans un monde libre,
tous seraient égaux.
La réalité des uns devrait être la préoccupation des autres.
Tous auraient droit au désaccord,
au droit de protester ;
tous chanteraient les hymnes d’espoir qu’ils désirent.
Tous auraient la liberté absolue de penser,
d’espérer.
Tous auraient droit à la justice,
la même que n’importe quel individu dans ce monde,
où les frontières ne délimiteraient pas leur liberté.
Tous auraient droit à un procès sans délai,
droit à l’information,
et plein droit sur leur corps,
comme ce devrait l’être dans tout État de droit.


Or, un fléau empêche ces droits d’exister et permet de brimer impunément ceux déjà existants : la torture.


Il n’y a pas de démocratie, de liberté ou de justice
là où l’on passe outre l’habeas corpus
et où l’on enlève à des individus le droit sur leur corps,
leur liberté d’expression, leur droit à la manifestation ;
il n’y a pas de démocratie là où la torture physique et psychologique
empêche des individus d’exercer leurs droits.


En 1984, 156 pays ont signé la Convention contre la torture des Nations unies.
Trente ans plus tard, des cas de torture ont été recensés dans 141 pays.


Démarche vers l’abolition de la torture

Il faut cesser d’être aveugle, d’être sourd et surtout, d’être paralysé.

Pour cesser d’être aveugle, nous devons assurer la visibilité concrète de tous les cas de torture possibles et soutenir les organismes internationaux qui réussissent à passer outre la censure des 141 États qui commettent des crimes contre l’humanité.

Il faut cesser d’encourager les pays qui pratiquent la torture.

À titre d’exemple, la ville de Mexico se retrouve parmi le top 30 des destinations touristiques, selon National Geographic, et dans le top 10 de Trip advisor. Or, ce qu’on ne mentionne pas aux voyageurs, c’est que cette ville est un lieu où les policiers ont la permission d’arrêter des civils, sans réels motifs, et de les maintenir dans des conditions de torture, violant tous les droits humains fondamentaux, pendant 80 jours.

Il faut contraindre les gouvernements des pays supposément démocratiques à cesser leur aveuglement volontaire, en signant massivement les pétitions pour la libération des torturés et en commémorant ceux qui l’ont été pour avoir tenté d’éclaircir la vision internationale des horreurs qui se produisent dans leurs nations.

Ensuite, pour cesser d’être sourd, il faut entendre les appels à l’aide des autres pays et les communiquer aux autorités ayant le pouvoir de contrer les pratiques de torture.

Il est inadmissible que des gouvernements fassent disparaître et torturent leurs populations.

Un peuple qui vit sous menace de torture vit dans une dictature du silence. C’est dans le silence que réside l’ignorance ; et la communauté internationale reste sourde aux horreurs causées par la torture dans les régimes de terreur voilés sous des couvertures médiatiques de surface, faisant reluire leurs attraits touristiques et leur puissance économique.

Les journalistes qui tentent d’enquêter sur les situations que des gouvernements essayent de cacher finissent souvent par disparaître et être torturés. En 2018, le journaliste saoudien collaborateur du Washington Post, Jamal Khashoggi, fut violemment torturé avant d’être décapité par des autorités saoudiennes. Pourtant, les relations internationales de l’Arabie Saoudite ne se portent pas si mal.

Finalement, il faut cesser d’être paralysé. Il faut marcher dans les rues pour ceux et celles qui sont enchaînés. En 2014, six prisonniers du « camp de concentration » de Guantanamo (tous victimes de disparitions forcées et placés en détention secrète par la CIA), subirent des traitements inhumains : tortures physiques et isolement durant près de 4 ans. Tout cela en vue de leur extirper des aveux devant la commission militaire américaine qui désirait leur infliger la peine capitale.

Il faut parler pour ceux qui n’ont plus de voix, écrire pour ceux qui n’ont plus de mains : dans des pays comme la Corée du Nord, des adolescents, comme moi, seraient torturés ou bien lapidés publiquement pour avoir écrit un manifeste comme celui-ci, pour avoir exercé leur liberté d’expression.

Il faut sanctionner là où les criminels contre l’humanité agissent : dans l’ombre. En juin 2017, la Chine emprisonna, selon l’ONU, au moins un million d’Ouïgours (minorité musulmane chinoise) dans des « camps de déradicalisation » où ils subirent des lavages de cerveau et de la torture extrême, sans sanctions concrètes de la communauté internationale.

Nous vivons à proximité de réalités horrifiantes et nous restons inertes. Il ne suffit pas de se lever, il faut se soulever ; il ne suffit pas de parler, il faut crier ; il ne suffit pas d’agir, il faut s’unir. Le monde libre n’existera que dans l’unité solidaire des peuples.

  1. Je veux que les cris de douleur se transforment en cris de ralliement des manifestants pour les droits humains.
  2. Je veux des forces de l’ordre au service de la justice plutôt que formées à faire régner l’ordre par la force et d’appeler cela justice.
  3. Je veux que le concept de torture soit connu de tous, pour n’être subi par aucun.
  4. Je veux vivre dans un monde où l’on craint le passé plutôt que le futur.
  5. Je veux que les voix de ceux qui peuvent parler créent des voies vers la libération de ceux qui n’en ont pas.

Pour conclure, afin d’obtenir un monde libre, les frontières politiques, linguistiques, ethnologiques et religieuses ne devraient pas empêcher la population mondiale de se soulever contre la torture.

Lorsque s’uniront peuples et gouvernements dans la mission de mettre fin à l’un des plus grands fléaux de l’humanité, celui qui déshumanise notre société, à ce moment, nous vivrons dans un monde libre…

Un monde libre de torture.

Jean-Manuel Doran-Peñafiel
Collège de Montréal, secondaire 4