Monsieur Xi Jinping
Président de la République populaire de Chine

Objet : Mettre fin aux souffrances

Monsieur le Président,

Il y a près de trente ans, alors que le peuple chinois manifestait son désir de vivre dans une démocratie, le gouvernement prit une mesure drastique afin de contrer le mouvement. Le massacre de la place Tian’anmen prouva à la communauté internationale que les autorités de la République populaire de Chine n’avaient que faire des droits et libertés des individus. Encore de nos jours, votre État s’illustre par ses pratiques démontrant un manque d’humanité. Le rapport No End in Sight [1] d’Amnistie internationale, rédigé en 2015, a d’ailleurs relevé 1 898 jugements de la Cour populaire suprême de Chine qui faisaient état d’extorsion d’aveux au moyen de la torture au cours des neuf premiers mois de l’année. Parce que les arguments qui tendent à invalider la torture ne manquent pas, nous avons la ferme conviction que les autorités ne devraient jamais avoir recours à de tels traitements.

Le 11 décembre 1984, l’Assemblée générale des Nations unies adoptait la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Bien que la Chine ait ratifié l’entente, on y fait encore état de pratiques contraires à la Convention. Depuis quelques années, des corrections ont été apportées à certains articles de loi afin de limiter l’usage de la torture par la police et, plus largement, par les autorités. Or, sous le couvert de termes alternatifs, les mauvais traitements persistent et l’article 5 de la Déclaration universelle des droits de l’homme n’est toujours pas respecté.

En plus de contrevenir à des conventions internationales, les supplices exercés par votre gouvernement laissent des traces physiques et psychologiques manifestes. Non seulement les victimes, mais également les bourreaux ressortent marqués à jamais d’une telle expérience. « La torture est une situation de violence extrême. Les victimes de torture ont eu accès aux choses habituellement cachées, à la face sombre de l’humanité. Mais les tortionnaires également ! » [2] Les autrices de cet article, Françoise Sironi, psychologue, et Raphaëlle Branche, docteure en histoire, ne font que confirmer tout le mal causé par de telles pratiques.

En ayant recours à la torture, votre gouvernement nourrit les tensions et la haine à son égard. Les familles de victimes, les membres de la communauté LGBTQ+, les minorités religieuses, les défenseurs des droits de l’homme… tous sont davantage portés à s’exprimer ouvertement contre le système actuel. C’est notamment le cas des 37 avocats œuvrant pour les droits humains en Chine qui se sont entretenus avec des membres d’Amnistie internationale en 2015. Le rapport [3] découlant de ces entrevues dénonce les mauvais traitements qu’ont subis 10 des 37 avocats. Il fait également état de l’incapacité de ces juristes à faire reconnaître des allégations de torture à l’égard de leurs clients. Il est donc à votre avantage de mettre fin à des pratiques qui fomentent la résistance envers le Parti communiste chinois.

Utilisant le prétexte de la sécurité intérieure, le gouvernement chinois emploie des traitements intolérables. Pourtant, Monsieur le Président, force est de constater que ces supplices visent également l’acculturation par la peur. Les arrestations de Tibétains pour cause d’« actes séparatistes » suivies de torture doivent cesser. Tout comme les camps de « rééducation » où les Ouïghours subissent des horreurs parce qu’ils sont musulmans. Autrement dit, il est de votre devoir de respecter les droits des minorités. Les génocides culturels n’y ont certainement pas leur place, comme nulle part ailleurs.

En appliquant une doctrine utilitariste, les autorités chinoises justifient l’usage de supplices par le fait que ceux-ci permettent d’obtenir des aveux. Or, les informations fournies sous la torture ne sont pas toujours véridiques. Le 9 décembre 2014, le Sénat américain publiait un rapport [4] dénonçant la torture utilisée en lien avec les attentats du 11 septembre 2001. Il s’est avéré que les confessions des détenus torturés n’étaient pas fiables. Khalid Cheikh Mohammed, par exemple, aurait fourni aux autorités américaines des renseignements non significatifs, en plus d’être faux. Il nous semble donc évident que les aveux extorqués sous la torture ne légitiment pas sa pratique.

Pour conclure, en abolissant la torture, Monsieur le Président, vous procéderiez à un changement de paradigme qui moderniserait la Chine. Cette avancée serait donc avantageuse pour votre gouvernement. Par surcroît, les accusés du système judiciaire chinois, qu’ils soient innocents ou coupables, bénéficieraient de traitements plus cléments. Joignez-vous aux 52 pays qui ne pratiquent pas la torture [5] et qui s’en font une fierté… Parce que le respect des droits humains est digne des plus grands États.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre considération respectueuse.

Marianne Lapierre
Collège Beaubois, secondaire 4

Sources

Amnesty International. Stop torture. www.amnesty.org/fr/get-involved/stop-torture/ [5]

Amnesty International. 2015. No End in Sight. www.amnesty.org/download/Documents/ASA1727302015ENGLISH.PDF [1] [3]

Human Rights Watch. 2014. États-Unis : Le rapport du Sénat dénonce la torture pratiquée par la CIA ainsi que les mensonges. www.hrw.org/fr/news/2014/12/10/etats-unis-le-rapport-du-senat-denonce-la-torture-pratiquee-par-la-cia-ainsi-que-les [4]

Sironi, Françoise ; Branche, Raphaëlle. 2002. La torture aux frontières de l’humain. Dans Revue internationale des sciences sociales 2002/4 (n° 174), pages 591 à 600. www.cairn.info/revue-internationale-des-sciences-sociales-2002-4-page-591.html [2]