Victoire Ingabire, 49 ans, présidente des Forces démocratiques unifiées-Inkingi (FDU-Inkingi), se trouve en prison depuis octobre 2010. Sur la base d’aveux obtenus sous la torture, la Cour suprême l’a condamnée en décembre 2013 à 15 ans de prison. Sa demande d’appel a été rejetée [1].
En janvier 2010, Victoire Ingabire a eu le malheur d’arriver au Rwanda pour participer à l’élection présidentielle du mois d’août suivant. Son parti, FDU-Inkingi, n’étant pas reconnu par les autorités, sa candidature a été jugée illégale et a mené à son arrestation en octobre 2010. Deux ans plus tard, elle a été accusée et reconnue coupable d’avoir voulu former une alliance avec les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe rebelle armé rwandais actif dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), et d’avoir tenu des propos jugés négationnistes [2].
En décembre 2013, en plus des charges déjà retenues contre elle, la Cour suprême de Kigali l’a condamnée à 15 ans de prison pour « conspiration contre les autorités par le terrorisme et la guerre », « minimisation du génocide » et « propagation de rumeurs dans l’intention d’inciter le public à la violence ». Les membres de son parti politique sont régulièrement harcelés et arrêtés, notamment quand ils osent aller visiter Victoire Ingabire en prison.
Human Rights Watch (HRW), ainsi que plusieurs organisations internationales de défense des droits de la personne qui ont observé les deux procès de Victoire Ingabire, en octobre 2012 et décembre 2013, ont noté de graves irrégularités [3]. En décembre 2013, devant la Cour suprême, quatre témoins de l’accusation lors du premier procès ont révélé que leurs témoignages avaient été falsifiés. Cependant, à aucun moment en 2012 et 2013 la justice rwandaise n’a remis en cause les témoignages de l’accusation ni entrepris une enquête sur les allégations de torture à l’encontre de plusieurs témoins.

Contexte

En 1994, au cours d’un génocide d’une ampleur sans précédent, plusieurs milliers de personnes ont été tuées par des militaires et des extrémistes politiques de la majorité hutue. En juillet 1994, le Front patriotique en Rwanda (FPR), groupe rebelle à forte majorité tutsie, a battu les forces hutues. Le FPR a pris le contrôle du pays, a formé un nouveau gouvernement et a conservé le pouvoir depuis, et ce, dans toutes les sphères du gouvernement [4].
Le Rwanda est un pays en recul sur le plan des droits civils et politiques. Le manque d’indépendance du système judiciaire rwandais dans des dossiers politiques est criant. De plus, le pays vient d’être fortement jugé par le Comité contre la torture des Nations unies [5].

Un pays qui ne respecte pas ses engagements

Le Rwanda a ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en 2008. Sur le plan du droit interne, la Constitution du Rwanda stipule que « nul ne peut faire l’objet de tortures, de sévices ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants » et le Code pénal, entré en vigueur en juin 2012, contient une définition de la torture conforme aux standards internationaux. De même, la Loi portant mode et administration de la preuve interdit l’utilisation d’aveux obtenus sous la contrainte [6].
Or les témoignages rassemblés par HRW dans son rapport décrivent des schémas systématiques de torture et bien d’autres violations graves des droits de la personne dans les centres de détention rwandais entre 2010 et 2016. Le camp militaire de Kami fait partie de ces lieux de détention ; c’est là où les quatre témoins de l’accusation contre Victoire Ingabire ont été détenus plusieurs mois.
Et malgré le droit et les faits, le pays n’ouvre pas d’enquêtes sur ces allégations de torture et en perpétue ainsi la pratique [7].
En 2015, Victoire Ingabire a interjeté un appel devant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), accusant le gouvernement rwandais de bafouer ses droits. Pour ne pas devoir répondre à la CADHP, le 26 février 2016 – quelques jours avant l’audience de la CADHP –, le Rwanda a tout simplement retiré sa déclaration acceptant la compétence de la Cour africaine. Selon le gouvernement rwandais, les juridictions nationales sont capables de traiter les affaires locales, affirmation contredite dans les faits.
C’est dans ce contexte que nous vous proposons d’agir en faveur de Victoire Ingabire et d’interpeller les autorités. Le gouvernement rwandais doit lui permettre de bénéficier de ses droits, dont celui d’avoir accès à un recours effectif.
Appel à l’action rédigé par Andréa Torrent, bénévole

Sources

ACAT France. 2017-10-23. Condamnée à 15 ans de prison sur la base d’aveux extorqués sous la torture. www.acatfrance.fr/actualite/condamnee-a-15-ans-de-prison-sur-la-base-daveux-extorques-sous-la-torture [1] [2]
ACAT France. 2014. Fiche-pays sur le Rwanda. Dans Un Monde tortionnaire. www.acatfrance.fr/un-monde-tortionnaire/Rwanda-321 [6]
Human Rights Watch. 2017-10-10. Nous t’obligerons à avouer : torture et détention militaire illégale au Rwanda. www.hrw.org/fr/report/2017/10/10/nous-tobligerons-avouer/torture-et-detention-militaire-illegale-au-rwanda [3] [4] [7]
RFI-Afrique. 2017-12-11. Le Comité de l’ONU contre la torture préoccupé par la situation au Rwanda. www.rfi.fr/afrique/20171211-rwanda-le-comite-onu-contre-torture-tres-inquiet [5]
 


Appel à l’action au Rwanda : Mode d’emploi pour agir

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Premièrement, signez et ajoutez votre nom sur la lettre en format modifiable .docx ou la lettre en format .pdf. Ensuite expédiez cette lettre à l’adresse principale indiquée en haut.
Envoyez aussi une copie conforme (C.c.) à l’adresse secondaire.

Destinataire (tarif de la poste au Canada = 2,50$) :
Johnston Busingye, ministre de la Justice et Procureur général
Ministère de la Justice
KN 5 Rd, Kigali, RWANDA
Courriel : mjust@minijust.gov.rw
C.c. (tarif de la poste au Canada = 0,85$ en rouleau ou 1,00$ à l’unité) :
Shakilla K. Umutoni, Chargé d’Affaires
Haut-commissariat du Rwanda à Ottawa
294, rue Albert, suite 404
Ottawa (Ontario) K1P 6E6
Courriel : ambaottawa@minaffet.gov.rw