Le 1er février 2020, Celine Samuel, 44 ans, a été interpellée par la police à Thompson, au Manitoba, car elle était suspectée d’être sous l’influence de l’alcool. La femme appartenait à la communauté de la Première Nation Northlands Denesulines. Elle a été placée dans une cellule en béton au détachement de la GRC, dans des conditions qui portent atteinte à la dignité humaine. Une issue tragique mettra fin à cette détention, la mère de famille ayant été retrouvée morte dans sa cellule.


Vous pouvez agir

Lettre d’action :


Celine Samuel a été détenue dans une cellule de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), le 1er février 2020, en vertu d’une loi provinciale qui autorise la détention des personnes en état d’ébriété le temps qu’elles dégrisent – normalement en centre de désintoxication ou au détachement de la police fédérale, la GRC, dans l’absence d’un tel centre. Les cellules de dégrisement sont en béton ; elles ne sont pas aménagées pour ce type d’intervention. La courte durée de ces détentions qui ne peuvent dépasser 24h ne justifie pas des conditions pénibles comme l’absence de matelas, d’oreiller et de couverture [1]. Même pour le criminel de droit commun, de telles conditions dégradantes ne sont pas souhaitables.

Selon un communiqué du bureau du médecin légiste en chef au Manitoba, les policiers ont vérifié l’état de Mme Samuel à 22 h 49 : celle-ci était allongée sur le sol de la cellule et elle respirait. Lorsque les policiers sont allés examiner de nouveau son état 20 minutes plus tard, alors que les vérifications doivent être faites aux 15 minutes, celle-ci semblait avoir cessé de respirer [2]. Le communiqué précise que « la cause de la mort est un hématome sous-dural aigu causé par un traumatisme crânien par force contondante, causé par une chute » [3]. Le médecin légiste a donc conclu à une mort accidentelle. On apprenait récemment que le médecin légiste en chef lançait une enquête du coroner sur la mort de Mme Samuel [4].

D’après des membres de la famille de la défunte, celle-ci aurait eu des problèmes de santé, qui avaient nécessité une hospitalisation dans les semaines précédant sa mort. Si Celine Samuel avait reçu des soins de santé adéquats, ce drame aurait possiblement pu être évité. Il a été dit par Zane Tessler, le directeur général de l’Unité des enquêtes indépendantes du Manitoba, que c’était une erreur de ne pas avoir contacté la famille en premier lieu [5], les agents de la GRC auraient alors vu son état d’un autre œil en sachant qu’elle sortait de l’hôpital. Dans la situation où la personne intoxiquée est inconsciente, peut-être devrait-elle être transportée à l’hôpital plutôt qu’en cellule, car son état de santé a besoin d’être évalué et surveillé.

Contexte

Celine Samuel a été détenue en vertu de la Loi sur la détention des personnes en état d’ébriété [6]. Cette loi provinciale du Manitoba permet aux policiers de mettre momentanément une personne sous garde si on la soupçonne d’être dans un état d’ivresse avancé. Normalement, la personne doit être transportée dans un centre de désintoxication. S’il n’y en a pas, la personne est détenue, sans mandat d’arrestation.

La loi vise à mettre sous garde une personne qui peut constituer un danger pour elle-même ou pour autrui [7]. Elle permet donc aux policiers de mettre un individu sous garde, en cellule, pour une période maximum de 24 h. Toutefois, comme les personnes ne sont pas en état d’arrestation, une zone d’ombre subsiste dans le cas de telles détentions, aucun dossier n’étant ouvert ni fourni aux tribunaux. Il n’y a aucune note ou vidéo concernant l’arrestation de l’individu interpellé. Mourir dans ces conditions de détention que l’avocat de la défense qualifie d’arbitraire est une triste fin qui a aussi attendu un homme de 54 ans quatre mois avant la mort de Celine Samuel [8]. La loi est contestée par plusieurs et le grand nombre de ces mises sous garde dans les détachements de la GRC du nord du Manitoba est également dénoncé [9].

La province du Manitoba a annoncé qu’elle ouvrirait un centre de désintoxication à Thompson ; la police et des organismes communautaires pourront y conduire une personne en état d’ébriété pour une nuit, au lieu de la détenir. La date d’ouverture de ce centre n’a pas encore été rendue publique [10].

Il faut dire que les conditions de détention dans les cellules du détachement de Thompson ne sont pas adaptées à des réclusions pouvant aller jusqu’à 24 h. Leur dépouillement pourrait contribuer à des traitements cruels, inhumains ou dégradants, engageant la responsabilité internationale du Canada. De plus, puisque ces détentions ne sont pas considérées comme des arrestations, elles ne sont pas dûment documentées. Cette absence d’information peut mener à des abus ou à de la négligence de la part des policiers, en raison du manque de surveillance. Dans le cas décrit ci-dessus, la famille affirme que la victime avait des antécédents médicaux qu’il aurait fallu prendre en compte lors de la décision de la priver de liberté. Il est déplorable que de telles situations de détention existent dans un pays comme le Canada, qui a ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

À la suite de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, la commissaire de la GRC, Brenda Lucki, a tenu à s’excuser au nom de la GRC auprès des familles des victimes [11]. Elle a tenu un discours où des promesses de changements ont été faites, notamment l’amélioration des relations entre le corps de police et les communautés des Premières Nations [12]. Le cas de Celine Samuel démontre bien que, malgré le discours tenu par la commissaire, des cas de traitements cruels, inhumains et dégradants ont encore lieu.

Dans la continuité de cet article, demandez l’humanisation des cellules de la GRC et exigez que cette nouvelle approche serve d’exemple pour les autres corps de police. Demandez aussi qu’avant une détention, et durant celle-ci, l’état de santé d’une personne inconsciente soit dument évalué par un professionnel de la santé. La mort de Celine Samuel démontre encore une fois que la dignité humaine des Autochtones est piétinée par les services publics et que cela est parfois fatal.

Sources

CBC News. 2020. Family searching for answers after woman dies in RCMP custody hours after arrest. www.cbc.ca/news/canada/manitoba/rcmp-death-thompson-detachment-1.5795579 [1] [2] [5] [8]

Loi sur la détention des personnes en état d’ébriété. 1998. c. I90 de la C.P.L.M. web2.gov.mb.ca/laws/statutes/ccsm/_pdf.php?cap=i90 [6] [7]

Radio-Canada. 2018. Femmes autochtones disparues ou assassinées : la GRC présente ses excuses. ici.radio-canada.ca/nouvelle/1109207/disparition-assassinat-crimes-grc-gendarmerie-royale-premieres-nations [11] [12]

Radio-Canada. 2020. GRC de Thompson : des questions sur des incidents. www.facebook.com/watch/?v=1105464409909841 [9]

Radio-Canada. 2021. Enquête du coroner sur la mort d’une femme dans une prison de Thompson, au Manitoba. ici.radio-canada.ca/nouvelle/1830300/enquete-mort-prison-celine-samuel-grc [3] [4] [10]