Des centaines de militants réclament sa libération sans condition depuis le tout début de son incarcération en 1976. Activiste autochtone américain, Leonard Peltier n’aurait pas commis les meurtres des deux agents du FBI pour lesquels il a été accusé, extradé du Canada et condamné par la justice américaine. Il a servi d’exemple et se trouve être un prisonnier politique en Amérique du Nord. À ce stade, la perspective qu’il meure en prison après 45 ans d’incarcération suscite notre indignation.

Nous présenterons ici brièvement cet homme de 76 ans [1] et nous aborderons la problématique des peines consécutives, qui justifie sa détention jusqu’à aujourd’hui. Enfin, nous tenterons d’imaginer la détermination des peines à perpétuité dans un système de justice pénale civilisé.

Né en septembre 1944 dans le Dakota du Nord, Leonard Peltier milite pour les droits des Autochtones depuis la fin des années 1960. Figure importante de l’American Indian Movement (AIM), il se retrouve au mauvais endroit au mauvais moment en juin 1975, dans la réserve de Pine Ridge, dans le Dakota du Sud, où d’importants conflits violents ont lieu. Le président de la réserve est alors Richard Wilson, et sa milice privée combat les Lakota traditionalistes et l’AIM. L’histoire raconte que deux agents du FBI ont été tués durant une fusillade. Dans le cadre de l’enquête sur ces décès, une femme de Pine Ridge est brutalisée par des policiers, qui finissent par lui faire avouer qu’elle est intime avec Peltier – ce qui est faux – et qu’elle l’a vu exécuter les agents. Recherché par le FBI, Peltier s’enfuit au Canada, d’où il sera extradé vers les États-Unis. Tout son procès est ensuite entaché d’irrégularités qui permettent d’affirmer que l’emprisonnement de Leonard Peltier est probablement arbitraire. D’autant plus qu’il a été condamné, en 1977, à 40 ans d’emprisonnement, soit deux peines à perpétuité consécutives. Les personnes qui militent pour sa libération insistent pour dire qu’il a été accusé non pas pour ce qu’il a (n’a pas) fait, mais bien davantage pour ce qu’il représente. Aujourd’hui toujours incarcéré, M. Peltier souffre du diabète et ne reçoit ni la diète ni les traitements dont il aurait besoin [2].

Une peine à perpétuité signifie que l’accusé sera sous la surveillance de l’État jusqu’à sa mort ; en fait, il sera privé de liberté jusqu’à l’obtention d’une libération conditionnelle, dont la demande est possible normalement après 25 ans. Mais comment peut-on additionner des peines à perpétuité – comme si un criminel avait plusieurs vies à condamner ? Selon les normes internationales, une peine à perpétuité permet un réexamen après 25 ans, si elle respecte au minimum la dignité humaine [3]. La question a été débattue récemment au Québec dans le cas d’Alexandre Bissonnette. S’il avait la possibilité de lui donner six peines à perpétuité consécutives pour six meurtres – soit 150 ans avant d’avoir le droit de demander une libération conditionnelle –, le juge l’a plutôt condamné à 40 ans de prison sans possibilité de libération conditionnelle, peine qui a par la suite été réduite à 25 ans en appel. Un juge de la Cour d’appel a spécifié que la disposition des peines consécutives est « absurde, odieuse et dégradante » [4]. En fait, les peines à perpétuité sans possibilité de réévaluation sont des « peines capitales déguisées », affirmait le pape François lors d’une allocution publique en 2015 [5].

Selon Me Pierre Fortin, un système civilisé de justice détermine les peines sans considérer le facteur de vengeance [6]. Si « un des rares critères objectifs de l’avancement de la civilisation occidentale est l’humanisation du droit pénal » [7], le cas de Leonard Peltier indique que la civilisation occidentale n’avance pas. Depuis son emprisonnement que sa cause est emblématique d’une répression des Autochtones par les systèmes de justice nord-américains.

Toute personne condamnée a le droit de se repentir et d’être en mesure de demander une libération conditionnelle après un délai réaliste et réalisable. Dans le cas de Leonard Peltier, la libération conditionnelle lui a été refusée en 2009. Il doit attendre jusqu’en 2024 pour faire une nouvelle demande. Or considérant son état de santé, un diabète en perte de contrôle, et son âge, presque 77 ans, attendre encore trois ans n’est pas réaliste. Il risque la mort. Seule une clémence présidentielle lui rendrait sa dignité.

Les États-Unis d’Amérique sont-ils suffisamment civilisés pour humaniser une erreur judiciaire ?

Réflexion de Nancy Labonté, coordonnatrice,
inspirée par Vima Beauvais et Louise Royer

Sources

ACAT Canada. 2018. La dignité humaine d’un assassin. acatcanada.ca/la-dignite-humaine-dun-assassin [3]

ACAT Canada. 2021-04-12. Entrevue avec Vima Beauvais, activiste mohawk de Kahnawake [2]

Fortin, Pierre. 2012. Idées Omnibus C-10 – Marc Bellemare, en rupture avec la civilisation. Le Devoir. www.ledevoir.com/opinion/idees/345614/omnibus-c-10-marc-bellemare-en-rupture-avec-la-civilisation [6]

International Leonard Peltier Defense Committee. Site web Who is Leonard Peltier. www.whoisleonardpeltier.info [1]

Nolin, Bertrand. 2021. Sur les sentences de peines consécutives. Le Devoir. www.ledevoir.com/opinion/idees/595418/sur-les-sentences-de-peines-consecutives [4] [7]

Radio-Canada. 2016. Le pape réclame l’abolition mondiale de la peine de mort. ici.radio-canada.ca/nouvelle/766392/pape-francois-reclame-abolition-peine-mort [5]