En Arabie Saoudite, Salman al-Awdah, ou Dr Salmane Al-Ouda, est un prédicateur sunnite bien connu pour avoir déclaré s’opposer à la criminalisation de l’homosexualité. Il se trouve en détention préventive depuis son arrestation en septembre 2017 pour cause de dissidence; son procès traîne, et l’homme vit dans des conditions de détention dangereuses pour sa santé.

Salman al-Awdah, théologien populaire et médiatisé, a été arrêté le 10 septembre 2017 à la suite d’une déclaration en faveur d’une éventuelle réconciliation entre l’Arabie saoudite et le Qatar. Plusieurs autres intellectuels ont été arrêtés ce jour-là, signe d’une répression orchestrée de la part des autorités saoudiennes [1].

Depuis l’arrestation du prédicateur il y a plus de deux ans, le procureur saoudien demande la peine de mort pour Salman al-Awdah, qui fait face à 37 chefs d’accusation gardés secrets. « Il fut détenu en isolement durant les cinq premiers mois, enchaîné et menotté dans sa cellule, privé de sommeil, sans soutien médical et interrogé de jour comme de nuit. Du fait de ces conditions de détention extrêmes, il a dû être hospitalisé en janvier 2018. Depuis son retour en cellule, il continue d’être détenu en isolement » [2]. Salman al-Awdah est donc en détention préventive extrêmement abusive, ayant vécu la torture et vivant maintenant le traitement cruel de l’isolement cellulaire sur une trop longue période.

Son procès traîne, et cela aggrave sa situation : « Le 28 juillet 2019, le tribunal spécial de Riyad, en charge des affaires terroristes au niveau national, annonçait le report du procès du populaire prédicateur Salman al-Awdah pour le mois de novembre. Mais le 18 septembre, sa famille était informée de l’avancement de la reprise du procès pour le lendemain. S’ensuivront de nombreux reports et avancements d’audiences entraînant confusion, craintes et stress pour al-Awdah et sa famille : les audiences se déroulent au secret, sans la présence d’observateurs ou de journalistes, il n’y a aucune transparence sur les prochaines audiences à venir, et un verdict où la peine de mort pourrait être requise est redouté à chaque instant. La dernière audience s’est déroulée ce 31 décembre 2019 sans qu’aucune nouvelle session ou date de verdict ait été annoncée, plongeant à nouveau Salman et sa famille dans une attente insoutenable » [3].

Contexte

D’année en année, l’oppression des activistes en Arabie saoudite ne cesse d’augmenter. Human Rights Watch rapporte qu’en 2019 de nouvelles vagues d’arrestation d’intellectuels et d’activistes ont eu lieu. Ces personnes sont « dans l’attente de procès inéquitables sous des accusations liées uniquement à leurs critiques publiques du gouvernement ou à un travail pacifique en faveur des droits humains » [4].

Malgré l’adoption de certaines lois en faveur des droits des femmes, le roi Salman ben Abdelaziz Al Saoud, le plus jeune descendant de la dynastie des Saoud, maintient un bras de fer à l’égard des défenseurs des droits humains.

L’Arabie saoudite a adhéré à la Convention contre la torture en 1997, mais la culture de l’impunité persiste : « Les dirigeants saoudiens, notamment le prince héritier Mohammed ben Salmane, n’ont pas été sérieusement questionnés par la justice en 2019 pour les abus commis ces dernières années par les agents de sécurité de l’État, y compris pour l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi en octobre 2018 et pour les tortures prétendument infligées à des défenseurs des droits des femmes » [5].

En 2016, le Comité contre la torture examinait la mise en œuvre de la convention en Arabie saoudite et notait : « L’État partie devrait reconnaître la légitimité de la critique et des activités de plaidoyer pacifiques en ce qui concerne les violations de la Convention […] et à libérer tout individu détenu uniquement pour avoir pacifiquement formulé des critiques ou fait un travail de plaidoyer pour les droits de l’homme » [6]. En outre, il ajoute : « Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles la majorité des personnes privées de leur liberté par Al-Mabahith [police secrète] sont placées en détention avant jugement pendant de longues périodes et leurs garanties juridiques fondamentales, y compris le droit d’avoir accès à un conseil de leur choix et de bénéficier de l’habeas corpus, sont fréquemment violées » [7].

Salman al-Awdah n’en est pas à sa première arrestation. Dans les années 1990, alors qu’il militait contre la présence de l’armée américaine en Arabie saoudite avec le mouvement Sahwa, il a été interdit de prêcher et de voyager. Il a été évincé de l’université où il enseignait. Les autorités exigeaient qu’il s’engage à cesser ses activités, ce qu’il a refusé, puis il a été arrêté en 1994 [8]. Lors de sa libération en 1999, il a poursuivi ses contestations et est devenu un personnage controversé très médiatisé. Son arrestation en 2017 confirme la volonté du roi d’éliminer toutes voix dissidentes.

Nous vous appelons à l’action pour demander au roi de garantir en toute circonstance l’intégrité physique et mentale de Salman al-Awdah, de veiller à ce que l’ensemble des charges et procédures engagées à son encontre soient abandonnées et à le libérer au plus vite et sans condition, de garantir la rencontre régulière et sans surveillance avec son avocat librement choisi afin de préparer sa défense dans le cadre d’une procédure judiciaire juste et équitable, de permettre à ses proches de lui rendre régulièrement visite et, enfin, de mettre fin aux menaces, interdictions de voyage et autres formes de harcèlement à l’encontre de sa famille, sur le territoire saoudien comme à l’étranger.

Appel à l’action préparé par Nancy Labonté, coordonnatrice


Vous pouvez agir

Lettre d’action en format .pdf : Lettre pour l’Arabie saoudite pdf 2020-02

Lettre d’action en format modifiable .docx : Lettre pour l’Arabie saoudite docx 2020-02


Sources

ACAT France. 2020. Un procès inique et des conditions de détention extrêmes. acatfrance.fr/actualite/un-proces-inique-et-des-conditions-de-detention-extremes- [2] [3]

Comité des Nations unies contre la torture. 2016. Observations finales concernant le deuxième rapport périodique de l’Arabie saoudite, CAT/C/SAU/CO/2. tbinternet.ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CAT/C/SAU/CO/2&Lang=Fr [6] [7]

Human Rights Watch. 2020. Arabie saoudite : Une répression implacable. www.hrw.org/fr/news/2020/01/14/arabie-saoudite-une-repression-implacable [4] [5]

Lacroix, Stéphane. 2010. V – Anatomie d’un échec. Dans Les islamistes saoudiens : une insurrection manquée (p. 237-283). Presses Universitaires de France. www.cairn.info/les-islamistes-saoudiens–9782130568988-page-237.htm [8]

Saphir News. 2017. Arabie Saoudite : le célèbre prédicateur Salman Al-Odah, critique du régime, arrêté. www.saphirnews.com/Arabie-Saoudite-le-celebre-predicateur-Salman-Al-Odah-critique-du-regime-arrete_a24418.html [1]