Face au drame de Val d’Or, alors que des femmes autochtones tentent par tous les moyens d’obtenir justice pour des gestes violents subis lors d’opérations policières, l’ACAT Canada vous invite à signer la pétition sur la Création d’une commission d’enquête judiciaire indépendante provinciale afin d’enquêter sur la relation entre les femmes autochtones du Québec et les institutions policières. Dans la foulée, une lettre du président a été envoyée à Philippe Couillard, Premier Ministre du Québec, dont voici le texte :

Monsieur le Premier Ministre,
L’ACAT Canada, organisme de défense des droits de la personne, se joint aux multiples interpellations de votre gouvernement faites depuis l’annonce par le Directeur des poursuites criminelles et pénales concernant l’absence de suites judiciaires accordées aux plaintes déposées par des femmes autochtones contre des membres de la police. À l’évidence, les circonstances exigent de la part du gouvernement une action complémentaire, significative et forte dès maintenant.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales comme l’Observatrice indépendante ont affirmé que leurs conclusions respectives ne signifiaient pas que les faits graves dénoncés n’avaient pas eu lieu. Leur nature et particulièrement la qualité des auteurs, à savoir des représentants de l’autorité publique et sans oublier l’existence d’enjeux plus collectifs et systémiques interpellent en premier chef la responsabilité du gouvernement du Québec en dehors de toute autre autorité ou instance fédérale quelle qu’elle soit. Les faits allégués, pour certains pourraient même être qualifiés de manquements à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
On ne doit pas oublier que la situation des populations autochtones et particulièrement, les diverses formes de violences faites aux femmes font l’objet de dénonciations et cela depuis de très nombreuses années, par de nombreuses instances internationales de protection des droits des personnes, tels le Comité des droits de l’homme, le Comité contre la torture, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes pour en citer quelques-unes. Aussi l’action publique doit aller bien au-delà de la simple dénonciation même véhémente, ou de mesures dites de soutien envers les femmes ou encore l’annonce de rencontres de tables rondes.
Dans la dernière version de la Stratégie gouvernementale pour prévenir et contrer les violences sexuelles 2016-2020, le cadre légal des actions envisagées rappelle, entre autres, l’engagement du gouvernement du Québec à se conformer aux obligations prévues par divers instruments internationaux, dont la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (page 28). Le droit international des droits de la personne offre en effet un cadre référentiel essentiel pour les actions que tout gouvernement doit engager face aux violations des droits de la personne, comme dans la situation qui nous concerne ici.
Les États ont l’obligation d’enquêter sur les violations graves des droits de l’homme. Ils doivent également prendre des mesures adéquates à l’égard des auteurs de ces violations, notamment dans le domaine de la justice, pour que ceux dont la responsabilité pénale serait engagée soient poursuivis, jugés et condamnés à des peines appropriées. Les États ont aussi l’obligation d’assurer aux victimes des voies de recours efficaces et de veiller à ce qu’elles reçoivent réparation du préjudice subi. Enfin, les États doivent garantir le droit inaliénable à connaître la vérité sur ces violations et prendre des mesures destinées à éviter que de telles violations ne se reproduisent.
Sans préjuger de la forme, votre gouvernement doit mettre en œuvre des mesures complémentaires afin d’assurer la vérité sur les faits, de rendre justice aux victimes et d’agir sur les causes profondes de tels comportements et actes qui sont identifiées de longue date. Ne pas agir, revient à tolérer une situation d’impunité,  ne pas s’interroger sur les causes pour les corriger, ne pas sanctionner les auteurs, ne pas offrir réparation aux victimes revient tout simplement à  banaliser ces actes condamnables et, au final, les encourager.
Dans l’attente de votre décision et des actions concrètes engagées sans tarder par votre gouvernement, que nous espérons à la hauteur des enjeux et la gravité de la situation, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, notre haute considération.
Raphaël Lambal
Président de l’ACAT Canada